Par Meriem Riadi, chargée de l’incubation de grands projets opérationnels à forte dimension digitale chez Groupama

4.mriadi.jpg Meriem Riadi est entrée chez Groupama en 2013. Franco-marocaine, elle a grandi à Casablanca

Directrice de la transformation digitale de l’assureur mutualiste Groupama, Meriem Riadi est en charge de l’incubation de grands projets opérationnels à forte dimension digitale (telle l’offre de services Noé pour le maintien à domicile des seniors grâce aux objets connectés) ainsi que du volet relatif à l’innovation et à la connexion du Groupe avec les écosystèmes innovants, dont les partenariats avec des start-up y compris dans la Silicon Valley. À l’appui de son expertise à la fois internationale et interculturelle, elle explique la façon dont l’entreprise mutualiste relève le défi de la révolution digitale.

Groupama est positionné sur l’ensemble des métiers de l’assurance (dommage et vie) mais également dans le domaine des services et de la banque. Présent dans onze pays, essentiellement en Europe, il a réalisé en 2016 13,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires dont 75 % en France.

***Amélioration de la chaîne de valeur assurantielle

Le digital a un impact majeur sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’assurance :

— Sur la connaissance des prospects et de clients : le digital permet de collecter de nombreuses données afin de pousser des offres toujours plus adaptées ;

— Sur les offres à proprement parler : grâce aux objets connectés, les assureurs peuvent construire des produits d’assurance prenant en compte le comportement des clients dans le prix de l’assurance (comme en auto, le comportement de conduite) mais également proposer des offres de services autour de la maison connectée et du maintien à domicile des séniors ;

— Sur les réseaux physiques : de moins en moins de clients et prospects se rendent en agence mais ils sont de plus en plus nombreux à avoir préparé leurs achats online et à finaliser leurs achats dans le réseau physique qui doit donc s’adapter à ces nouveaux comportements client ;

— L’apparition de nouveaux business models d’assurance : le digital fait évoluer les sous-jacents de l’assurance. Ainsi sur le marché automobile, de moins en moins d’urbains sont propriétaires d’un véhicule. L’enjeu pour l’assureur est de couvrir ces nouveaux comportements.

***Nouveaux modes de travail, culture d’entreprise et RH

L’impact du digital est également majeur en interne des organisations, en particuliers sur les modes de travail, les RH et la culture d’entreprise.

Le digital impose une vitesse d’exécution plus importante, nécessite de casser les silos et de travailler en équipes pluridisciplinaires (méthode agile), plus petites, beaucoup plus responsabilisées et proches des clients.

Par ailleurs, le digital impose aux organisations un réel changement culturel :

— Culture du risque et du test : avec les nouvelles technologies (avec pour certaines la capacité de complètement bouleverser nos industries), impossible de tout instruire avant de commencer à les utiliser. Il faut expérimenter avant de pouvoir démontrer les retours sur investissement pour ne pas manquer un virage technologique qui pourrait être majeur ;

— Culture de la transparence : le digital rend tout mesurable, permet une communication plus fluide, la vitesse rend également la transparence nécessaire ;
• Moins de hiérarchie : les plus jeunes sont souvent les plus compétents et ont les meilleures idées. Il faut les laisser s’exprimer ;

— Nouveau rôle du leader/manager : le manager est maintenant un coach qui ne sait pas tout et valorise la prise de décision collégiale.

Enfin, le digital impose pour une entreprise comme Groupama de recruter de nouvelles compétences : data scientists, développeurs, designer…

L’adaptation à ces évolutions n’est pas simple dans des grands groupes traditionnels comme Groupama. Mais la bonne manière de faire est d’incarner concrètement ces nouveaux modes de travail sur des projets opérationnels avec des compétences recrutées en externes pour infuser dans le Groupe et faire tache d’huile. Un fort sponsoring de la direction générale est également clé pour avancer sur ce type de sujets.

***Quelles différences avec les USA ?

Aux États-Unis, et en particulier dans la Silicon Valley, les mutations sont encore plus radicales, notamment au sein d’entreprises comme Google, Facebook, Amazon. On y observe en effet :

— Une hiérarchie horizontale et des petites équipes très responsabilisées. Par exemple chez Facebook, une équipe est responsable uniquement du bouton « like » et de son évolution ;

— Une réelle confiance dans la créativité et l’implication des collaborateurs. Par exemple, 10 à 20 % du temps des collaborateurs est dédié à d’autres projets que ceux directement de leurs équipes. Des compétitions internes (Hackathon) ont lieu pour réinventer de l’intérieur les modèles de demain ;

— Une course aux talents, notamment sur les compétences de développeurs, qui impose aux entreprises d’offrir toujours plus en termes d’environnement de travail agréable, de niveau d’autonomie au-delà des compensations financières.

Le revers de la médaille est en revanche qu’il y a assez peu de place pour une petite entreprise avec des résultats modestes. Il faut être dans les premiers ou rien et passer des rites très codifiés de levées de fonds. Cela est renforcé par la taille du marché américain.

***En Afrique

Le Maroc jouit d’une place de choix sur le continent africain : bon niveau d’éducation, infrastructures relativement développées et bonne croissance économique. Cependant, l’existence de nombreux grands groupes qui drainent la grande majorité de ces talents fait que finalement, il y a assez peu d’entrepreneurs « tech » au Maroc, par rapport au niveau de développement du pays, même si on commence à voir des choses émerger.

Les choses sont différentes en Afrique subsaharienne où l’entrepreneuriat dans le digital est plus fort. En effet, les élites éduquées à l’étranger sont forcées de créer leurs propres entreprises quand elles souhaitent rentrer dans leur pays, du fait du faible nombre de grands groupes. Par ailleurs, l’Afrique subsaharienne étant moins développée offre un terrain encore vierge pour l’innovation dans plusieurs domaines :

— Inclusion bancaire : un des écosystèmes les plus innovants dans le mode en Afrique avec l’utilisation de nouvelles technologies comme la blockchain (ou chaîne de blocs, permettant la sécurisation de transaction sans tiers de confiance), justement parce que l’on part de rien ;

— Inclusion énergétique.

[/Meriem Riadi/]

[(Le travail reste en scène[

Depuis 2009 le festival international « ->http://filmerletravail.org/]Filmer le travail » permet de découvrir ce que le cinéma mondial réalise sur le sujet. Pour Jean-Paul Géhin, sociologue chercheur et enseignant à l’Université de Poitiers, co-fondateur du festival, le cinéma est d’abord un reflet de la réalité. Et le thème du travail professionnel est revenu au premier plan. Tout en offrant des approches nouvelles. Que d’évolutions depuis le classique de Chaplin, « Les temps modernes » dénonciation du travail mécanique et aliénant. Les représentations du monde ouvrier, longtemps majoritaires à l’écran, sont désormais complétées par une ouverture aux autres professions. Dont celles des cadres, nouveaux acteurs de la mise en images du monde du travail professionnel. Avec des accents nouveaux depuis la fin des années 80 comme ceux de la souffrance au travail, illustrée, par exemple, par des films comme « Ressources humaines » de Laurent Cantet (sorti en 1999), « Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés » de Marc-Antoine Roudil (2005) ou encore les documentaires de Jean-Michel Carré « J’ai (très mal) au travail » (2006). Ce nouvel état des lieux au travail a suscité plus récemment un renouveau des films plus militants, retraçant des conflits ; comme celui couvrant les années 2011-2013, des usines PSA à Aulnay, dans le film de Françoise Davisse « Comme des lions » (2016), « Tête haute », 8 mois de bagarre aux fonderies du Poitou d’Yves Gaonac’h (2013) ou encore « Merci patron ! » de François Ruffin (2015). L’heure est aussi désormais à un cinéma de « solutions », d’alternatives, à un état préoccupant des choses. À l’image du film « Demain » de Cyril Dion et Mélanie Laurent (2015) ou de « Food Cop » de l’Américain Tom Boothe (2016). Sans oublier, tout récemment le très remarqué film d’Hubert Charuel « Petit paysan », immersion sensible et convaincante dans le quotidien agricole.

[/Robert Migliorini/])]