Ce livre est fort de l’expérience vécue, décrite avec la précision d’une docteure en philosophie et riche de poèmes ciselés comme des psaumes. C’est aussi un livre difficile, qui nous emmène « là où ne nous ne voulons pas aller » (Jn 21,25), comme Jésus invite son apôtre Pierre à le suivre jusqu’au martyr.
L’autrice, médecin rééducateur de personnes en état de coma profond, a été diagnostiquée tardivement atteinte d’une maladie génétique rare, invisible et incurable. Son témoignage nous conduit pas à pas sur le chemin de réconciliation avec un corps qui se métamorphose, un entourage qui ne comprend pas, des soignants pas toujours à la hauteur, et surtout les autres malades qui découvrent avec elle la « solidarité des ébranlés », évoquée par le philosophe tchèque Jan Patocka (1907-1977) dans l’entre-deux-guerres.
Pour l’intéressée mais aussi pour tous, le chemin est difficile. Il s’agit d’accepter l’incertain, les erreurs de diagnostic, les opérations délicates, et surtout, la proximité de la mort, avec son cortège d’angoisses. Sur ce long chemin, chaque chapitre est nourri par l’Évangile. Marie-Hélène Boucand fait l’expérience de la proximité de Christ, toujours offerte, à travers la prière, les amis, et les soignants. Une toilette attentionnée résonne avec « le lavement des pieds » (Jn 13). Une amie lui apprend à accueillir la paix du Christ qui dort dans la tempête (Mc 4, 38). Une stomie lui donne de partager les humiliations du Christ (Jn 19). Son handicap devient une longue ‘passion’ où elle accueille, à l’image de saint Paul, la puissance de la résurrection.
Voilà un très beau livre à méditer pour vivre avec notre fragilité présente ou à venir.
Bertrand Hériard, aumônier national