Il y a des livres qu’on regrette de ne pas avoir lus plus tôt, même s’il faut un été pour cela. L’auteur est un universitaire italien, spécialiste de l’histoire ancienne du Moyen-Orient. Dans une première partie, il fait la synthèse de l’histoire de la Palestine en croisant les sources bibliques et archéologiques.
Dans l’Âge de Bronze, la Palestine était dominée par des cités-états cananéennes, vassales des pharaons. Les paysans endettés s’enfuyaient dans la montagne et faisaient alliance avec les nomades. Ils étaient appelés « Abirou », première attestation du mot « Hébreu ». Ceux-ci ont profité de l’Âge de fer pour s’organiser en tribus, puis en royaumes. Dans le Nord autour de Sichem et dans le Sud autour de Jérusalem. Les deux États se sont développés très différemment au grès des alliances avec les puissants, les Égyptiens puis les Assyriens. La chute de Samarie a été violente et toute la population du Nord a été déportée aux quatre coins de l’empire d’Assur (721 avant Jésus-Christ). La prise de Jérusalem est plus tardive et seuls les gens du palais ont été déporté à Babylone (586 av. J.-C.). Quand les Perses ont pris le pouvoir, ils ont laissé les populations déportées revenir chez elles (538 av. J.-C.). Les juifs sont revenus par vagues successives et ont écrit l’histoire de leur peuple.
C’est ainsi qu’est né la Bible sur les bases des livres prophétiques et du Deutéronome, commencé sous le roi Josias. Les premiers rescapés ont écrit la Genèse, pétrie de sagesse babylonienne : on y retrouve des récits de jardin d’Eden, de déluge, de cités abandonnés… L’histoire d’Abraham indique l’esprit des rapatriés : « Nous sommes des cousins d’Ur en Chaldée, venus retrouver la terre promise à nos ancêtres avec un message de paix… » Par comparaison, le Livre de Josué est plus belliqueux : Zorobabel était chargé par Darius de reconstruire les remparts et le temple, son grand prêtre s’appelait Josué (520-515 av. J.-C.). L’esprit du Lévitique est plus religieux et daterait d’Esdras (398 av. J.-C.)… Mario Liverani expose ainsi ses hypothèses de « l’invention de l’histoire d’Israël ». Jean-Louis Ska, sj, spécialiste reconnu de l’Ancien Testament lui a fait l’honneur d’une longue préface. Le livre permet de mieux comprendre le « sens premier » de la Bible et d’éviter toute lecture fondamentaliste. Il pose les bases d’une lecture croyante en résonnance avec l’expérience spirituelle des prêtres, prophètes et rois d’Israël.
Bertrand Heriard