Dominique Potier
Député PS
Dominique Potier
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analyse
Dominique Potier, pour une mondialisation humaniste
Dominique Potier, député PS de la 5e circonscription de Meurthe-et-Moselle, nous partage sa vision d’une mondialisation humaine, qu’il porte notamment au travers de sa loi sur le devoir de vigilance des multinationales à l’égard de leurs sous-traitants.
Aux sources de cette loi nous a-t-il expliqué, se trouvent les principes de Ruggie, du nom du représentant spécial des Nations Unies pour les entreprises et les droits humains, ou « Principes directeurs sur les droits de l’homme et les entreprises », adoptés par l’ONU en 2011, déclinaison des droits de l’homme au monde de l’économie et du travail. La loi du 27 mars 2017 met en œuvre ces principes qui affirment notamment « le rôle central de l’État dans la protection et la promotion des droits de l’homme vis-à-vis des entreprises, la priorité donnée à l’approche par les risques ou encore la responsabilité étendue à la chaîne de valeur ».
En quoi consiste la loi sur le devoir de vigilance ?
Elle prévoit l’établissement d’un plan préventif de vigilance, « véritable permis de conduire dans la mondialisation de façon digne, humaine et respectueuse », et d’une cartographie des risques. C’est l’entreprise qui établit elle-même son plan, selon le principe de subsidiarité. La loi fait confiance à l’entreprise car c’est elle qui connaît le mieux le contexte local dans lequel elle évolue. Elle incite les entreprises à coopérer pour trouver des solutions de droit dans les pays d’accueil, par filières ou par régions du monde. Il s’agit avant tout de les responsabiliser, en ayant conscience « qu’elles sont fragilisées sur le plan éthique, qu’elles doutent, qu’elles ont peur de ne pas attirer la génération climat, ceux qui veulent donner un sens à leur engagement professionnel ». Selon lui, « le capitalisme est très fragile aujourd’hui et il faut tendre la main à tous ceux, y compris à l’intérieur, qui veulent le transformer ».
Une responsabilité mondiale
Pour ce député passé par le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC), la loi, parce qu’elle est basée sur la responsabilité, est en mesure de produire du bien et des solutions, à l’échelle de l’usine du monde : « nous considérons que l’actionnaire décideur en France a une responsabilité dans le travail de l’ouvrier du textile en Asie du Sud-Est ». C’est ce qui lui donne un caractère novateur. Il relève qu’une fois adoptée, « les patrons ont fait leur cette loi car ils sont républicains ». Le Gouvernement fait le service après-vente car il a mis en place une mission, dont Dominique Potier fait partie, pour accompagner les entreprises dans sa mise en œuvre.
La voie supranationale offre un bel horizon à ce combat symbolique et prophétique, mais la perspective de conclure un traité à court terme est improbable. C’est une lumière allumée à l’ONU !
Elle fait par ailleurs l’objet d’un groupe de travail à l’Onu, à l’initiative de l’Équateur et l’Afrique du Sud, qui réunit à Genève toutes les parties prenantes dont les ONG. Ces pays plaident pour un traité véritablement contraignant, sur le modèle français basé sur la prévention et la responsabilisation des entreprises.
Une loi qui peut réenchanter le travail
C’est en Europe, « échelle pertinente pour agir dans la mondialisation », qu’une directive a le plus de chance d’aboutir. Des pays comme l’Allemagne et l’Espagne ou la Finlande travaillent à l’élaboration d’une loi sur le devoir de vigilance. Grâce au travail des ONG, la situation évolue.
Les Églises chrétiennes sont aussi actives. Début 2020, le député de Meurthe-et-Moselle, par ailleurs co-fondateur du laboratoire d’idées de la gauche chrétienne « Esprit civique », rencontre le nouveau patron des épiscopats européens (Comece), Mgr Jean-Claude Hollerich sj., à sa demande, dans la perspective d’un plaidoyer européen de la Comece sur la question du devoir de vigilance.
Fabriquer une mondialisation humaine basée sur l’universel et l’interdépendance, sortir de l’individualisme pour retrouver un destin commun, au service de la dignité humaine et de la maison commune : c’est une perspective républicaine réjouissante. Cette loi peut ré-enchanter l’entreprise.
Dans une ultime confidence, il précise : « Il y a un continuum démocratique entre l’engagement de l’éducation populaire, du mouvement associatif et du monde syndical d’une part et d’autre part, sa traduction politique dans la République. Face aux puissances privées qui dominent la marche du monde, il faut faire un rééquilibrage. La démocratie est la solution, pas le problème ! ».
Propos recueillis par Marie-Hélène Massuelle, responsable éditoriale