La dizaine d’équipiers virtuellement réunis le 3 avril au soir a consacré un premier temps d’échanges aux difficultés rencontrées : en raison du confinement, l’accueil des personnes dans la rue et des sorties de prisons (décidées pour faire de la place), l’accompagnement des migrants dans leurs démarches et leur apprentissage du français, des personnes sans travail en réinsertion, n’ont pas lieu. Autre écueil, les pays pour lesquels le confinement est impossible : l’Inde touchée par la faim et l’Afrique frappée par la faim et les conflits.
En même temps nous avons souligné la mise au grand jour de nombreuses solidarités et l’importance de jobs négligés et peu payés (éboueurs, caissières, saisonniers de l’agriculture, infirmières, enseignants), ainsi que celle, vitale, de structures pourtant efficaces, déconstruites pour des raisons de rentabilité (hôpital, souveraineté sanitaire) et qui permettent de vivre et de soigner.
Ceci a ouvert à un temps de questionnement : à la sortie de la crise, on redémarre vite le monde ancien (« business as usual ») d’autant plus vite que la période de confinement aura été longue (et donc le PIB en chute libre) ? Ou on profite de ce moment opportun (le kairos) pour penser et faire autrement ? Et cela à partir de ce que cette période met en évidence : le travail utile (et non les « bullshits jobs » qu’analyse l’anthropologue David Graeber dans son récent essai), la solidarité, la conversion écologique, économique et sociale (Laudato si’) ? Les organisations de solidarité ont à travailler ensemble pour mettre en œuvre ce changement de paradigme de nos sociétés. Voilà qui n’est pas sans lien avec le thème du Congrès du MCC : « Passeurs d’avenir, au cœur des transitions ». Que devons-nous changer et comment le faire ? Quelle conversion pour nous ?
À noter de nombreuses chroniques à l’appui de notre réflexion. Entre autres, l’initiative de 58 parlementaires lançant une consultation pour « préparer le jour et le monde d’après », assortie d’une plateforme en ligne où chacun est invité à contribuer, et la lettre de la présidente du Secours catholique Véronique Fayet au Premier ministre qui fait des propositions pour travailler ensemble.
Nous avons évoqué un verset de Mt (5, 13) qui vient juste après les Béatitudes : « Vous êtes le sel de la terre ». Le sel c’est ce qui donne le goût et qui conserve les aliments (avant la mise en œuvre de l’appertisation et de la congélation). Sans la solidarité, le vivre ensemble n’a pas de goût et, pire, le vivre ensemble n’est pas possible. Plus que jamais c’est ce à quoi nous sommes invités.
Ludovic Salvo, délégué du MCC au CCFD-Terre Solidaire et membre de son CA, animateur de la réunion