Mi chel Canévet est maire de Plonéour-Lanvern (Finistère), sénateur UDI du Finistère et président de la communauté de communes du Haut-Pays Bigouden
« Les affaires qui entachent certains responsables politiques ont des répercussions sur les 500 000 élus que compte notre pays qui, pour la plupart, sont bénévoles au service des autres et de leur collectivité. Leurs comportements doivent être exemplaires, en matière de respect de la loi et des comptes de la collectivité en évitant tout train de vie dispendieux dans l’exercice des fonctions. À titre personnel, quand je suis devenu sénateur en 2014, j’ai immédiatement cessé de percevoir les indemnités de maire et de président de la Communauté de communes du Haut-Pays Bigouden (soit 1000 €/mois pour chaque mandat) : afin que l’on ne considère pas que je cumule les fonctions, que j’exerçais depuis plusieurs années, pour cumuler les indemnités ».
L’échelon de la démocratie de proximité est par excellence celui qui peut offrir un ancrage aux élus en mal de représentativité et redonner une capacité d’action aux citoyens désillusionnés voire désengagés. À quelles conditions ? Michel Canévet, maire d’une commune rurale dans le Finistère, relate son expérience.
Enraciné dans une tradition familiale démocrate chrétienne, Michel Canévet, maire de Plonéour-Lanvern, y a puisé les ressources qui le guident aujourd’hui : donner du sens à son engagement, se mettre au service des habitants, particulièrement ceux qui sont le plus en difficulté, rechercher les avis, se départir d’un excès de certitudes. Il a accepté de répondre à nos questions concernant l’impact de la mondialisation sur la vie de sa commune et la façon dont le bien commun est pris en compte à l’échelle locale.
Responsables. Vous êtes élu d’une commune bretonne. Comment mesurez-vous l’impact des enjeux internationaux, notamment de la vague néolibérale, sur la vie de votre collectivité ?
Au fronton de la mairie, le seul drapeau qui flotte est le drapeau européen
Michel Canévet. Quand je suis devenu maire en 1992, l’un de mes premiers actes officiels fut de signer la charte de jumelage avec la commune de Llandibye, au Pays de Galles, aux racines celtes comme la Bretagne. J’ai délibérément placé mon mandat sous le signe de l’Europe. Au fronton de la mairie, le seul drapeau qui flotte est le drapeau européen. De bourg rural le siècle dernier, notre commune de 6 200 habitants est devenue une petite ville que l’on essaie d’ouvrir sur le monde. C’est pourquoi, depuis de nombreuses années, nous finançons le séjour de nos jeunes habitants à l’étranger, à travers le monde par une bourse mensuelle de 43 €. En décembre 2015, plusieurs jeunes sont venus témoigner de leur parcours à l’étranger devant les habitants intéressés.
Dans une commune ou l’agriculture, l’agro-alimentaire et le tourisme constituent les activités principales, l’ouverture au monde a modifié notre façon de vivre. L’agriculture est affrontée à une concurrence internationale qui entraîne, trop souvent une baisse des prix. Ces dernières années, ceux qui se sont installés en agriculture se sont plutôt tournés vers les circuits courts en maraîchage, fromages et produits d’origine céréalière : cela montre la cohabitation d’une agriculture capable d’approvisionner les industries agro-alimentaires de Bretagne mais pauvre en nombre d’actifs, avec des installations plutôt orientées sur le local.
L’ouverture sur le monde, on la connaît bien dans la mesure où le premier employeur de la commune, la conserverie Larzul, fait venir des langues de bœuf d’Argentine, pour commercialiser son produit phare sur lequel elle est leader national : la langue de bœuf sauce madère. Pour notre pays, l’excédent commercial issu des échanges agro-alimentaires permet à la France de réduire son déficit commercial extérieur, qui reste malgré tout autour de 50 milliards d’euros, et conduit à une crise de l’emploi.
Aujourd’hui, il est clair que la population se tourne de plus en plus vers l’international, parce ce que les loisirs ont offert des possibilités de découverte d’autres pays, à des tarifs attractifs pour les déplacements. Cela ouvre aussi, dans une région touristique comme la mienne, vers l’accueil de visiteurs étrangers, intéressés par la préservation de nombreux espaces naturels, des paysages attractifs et une identité culturelle forte, ancrée dans le terroir.
Responsables. Comment cette nouvelle donne a-t-elle des conséquences sur l’engagement des citoyens et des élus ?
Des collectifs de citoyens tentent de sensibiliser la population aux risques divers dans une démarche nouvelle qui ne vient plus uniquement des pouvoirs publics
C. Chacun est aujourd’hui plus attentif à ce qui se passe dans son environnement. Ainsi, un collectif d’aide aux populations migrantes s’est installé sur la commune, dans des locaux mis à leur disposition, où sont stockés de nombreux dons de la population locale en vêtements, vivres. Sur diverses thématiques, par exemple l’implantation d’antennes pour les relais téléphoniques, le traité commercial dit TAFTA, ou le déploiement des compteurs Linky et Gazpar, des collectifs de citoyens tentent de sensibiliser la population aux risques divers. C’est assez nouveau comme démarche : elle ne vient plus uniquement des pouvoirs publics, qui sont par ailleurs souvent considérés comme pas assez pro-actifs sur ces questions.
Responsables. Dans quelle mesure, faut-il « réinventer » une démocratie participative locale et citoyenne ?
Nous organisons plus régulièrement des réunions ou rencontres avec la population sur différentes thématiques locales
C. Celle-ci se pratique régulièrement, par la présentation publique de projets collectifs, comme lors d’aménagements urbains, ou la construction de nouveaux équipements. Ainsi, nous organisons plus régulièrement des réunions ou rencontres avec la population sur différentes thématiques locales : avec les anciens en établissement par la présentation de diaporamas sur ce qui se passe dans la commune, par des évènements comme les cérémonies de vœux, de commémorations patriotiques, d’informations des nouveaux habitants, de recours à des sites internet interactifs. Elle se manifeste sur des enjeux de société, même dépassant les frontières françaises, comme je viens de l’évoquer.
Cette participation à la vie locale est indispensable, pour éviter le repli sur soi et des attitudes de simples consommateurs, pas assez acteurs de l’organisation de leurs loisirs
Elle se traduit aussi par une vitalité associative forte, 2 à 3 nouvelles associations chaque année, pour en compter aujourd’hui près de 90, offrant le paradoxe d’activités multiples abordables à tous et, hélas, d’un engagement des adhérents limités : comme s’ils étaient avant tout des consommateurs d’activités, sans vouloir s’engager pour participer à la vie et diriger l’association. Or cette participation à la vie locale est indispensable, pour éviter le repli sur soi et des attitudes de simples consommateurs, pas assez acteurs de l’organisation de leurs loisirs. Dans ce sens, nous avons mis en place un conseil municipal des jeunes par exemple, élus dans des conditions analogues à l’officiel, ainsi que des visites en mairie et dans les institutions, des interventions auprès de groupes de jeunes. C’est par exemple par l’école que l’on a développé à partir des années 1990, la sensibilisation au tri sélectif des déchets. Ils ont appris les bons gestes à leurs parents.
Responsables. Comment articuler l’individualisme voire le repli sur soi avec le souci du bien commun ?
C. Nous vivons dans un monde paradoxal ou l’on ressent bien la tendance au repli sur soi, qu’il ne faut pas confondre avec la recherche d’autonomie, légitime, des individus. Pourtant, la vie en collectivité est ce qui caractérise, ou devrait caractériser, notre quotidien. Ainsi, on le voit bien en tant que maire avec les conflits de voisinage, qui figent les positions entre voisins jusqu’à l’hostilité réciproque. Et c’est vers le maire puis les tribunaux que l’on se retourne. Les jeunes veulent aussi leur autonomie, notamment en dé-cohabitant avec les parents. Dans notre politique de logement locatif public, nous sommes attentifs à permettre aux jeunes de disposer d’un logement, notamment lorsqu’arrive la vie en couple. C’est enfin de porter une priorité à l’école, en faisant en sorte que les moyens éducatifs soient suffisants.
Propos de Michel Canévet recueillis par Robert Migliorini