Les derniers évènements survenus au sein du groupe Danone avec l’éviction du PDG Emmanuel Faber le 15 mars dernier, contesté par des fonds activistes et certains administrateurs, ont mis en lumière les soubresauts d’un groupe d’envergure multinationale aux prises avec son nouveau statut d’entreprise à mission. L’analyse de Sylvie Makarenko, membre du comité de rédaction et haut fonctionnaire.
Devenu entreprise à mission en 2019, après un vote de ses actionnaires approuvé à 99,52 %, Danone s’est engagé à ce que le profit soit considéré comme un moyen au service de sa mission et non une finalité en soi. Mais en novembre 2020 en pleine crise sanitaire, le groupe a annoncé un plan de restructuration semblant remettre en cause la nouvelle raison d’être du groupe et dont la justification économique reste encore à démontrer. Le cas Danone, emblématique s’il en est par les revendications éthiques de l’entreprise, peut démontrer de prime abord comme le souligne l’institut ISBL, think tank dédié à l’ESS, l’illusion de pouvoir moraliser le capitalisme financier avec la loi PACTE votée en mai 2019. Mais il peut aussi révéler une toute autre dimension liée à la difficulté majeure de réaliser une telle ambition face aux règles en vigueur de la finance internationale.
Ce que le groupe Danone traverse au premier chef, c’est une confrontation directe entre le nouveau statut d’entreprise à mission et la réalité des marchés à laquelle sont soumises les entreprises du CAC 40. Le groupe fait ainsi l’amère expérience des premières résistances à la transformation du modèle de croissance capitaliste. Ce sont là les manifestations d’une part de la déformation de l’entreprise sous l’effet de la financiarisation des marchés ; et d’autre part, l’application du principe de maximisation de la valeur actionnariale, comme l’a démontrée une étude menée par la chaire « Théorie de l’entreprise » de l’école Mines ParisTech. La tension qui résulte de cette confrontation montre le niveau de difficultés auquel font face les entreprises qui s’engagent sur ce chemin critique qui, in fine, aura pour mission cachée et complexe de résoudre la nouvelle équation posée par l’adoption et l’officialisation d’une raison d’être à vocation sociale et citoyenne. Elle va jusqu’à interroger la nature même de l’entreprise.
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