Pascal Picq aborde la question des opportunités ouvertes dans le domaine du travail par la pandémie en paléoanthropologue, science dont il est professeur au Collège de France. La Covid a obligé les entreprises, leurs salariés ainsi que les indépendants à s’adapter au télétravail de façon improvisée. Les avantages, ainsi que les inconvénients de cette pratique, sont maintenant largement perçus. Pascal Picq nous incite à réfléchir à quelques enjeux moins souvent identifiés.
La pandémie a accéléré l’évolution de la relation entre lieu de travail et lieu de vie. Toutes les entreprises resteront impactées, même celles où le présentiel redevient dominant. C’est dans les entreprises les plus impliquées dans la révolution numérique, dans l’intelligence artificielle, dans l’intégration de robots et de cobots (robots collaboratifs) que le télétravail et toutes les formes de travail à distance vont changer en profondeur la relation entre salariés et entreprises.
Ce sont aussi ces mêmes entreprises qui innovent sur de nouveaux produits et de nouveaux services. Elles sont souvent, dans leurs critères d’embauche, les plus ouvertes à la diversité des parcours, des formations et des bases culturelles.
Comme composante de cette diversité, Pascal Picq mentionne de façon forte, la place des femmes. Jusqu’à présent, elles ont rarement été les premières gagnantes des évolutions du monde du travail. Le télétravail peut faire positivement bouger les lignes pour elles.
Si la relation entre vie professionnelle et vie privée, entre lieu de travail et lieu de vie évolue, nécessairement l’équilibre entre le travail accompli par les femmes et par les hommes dans la vie privée devra évoluer aussi, ainsi que dans l’organisation du travail professionnel. Pour l’auteur, c’est une opportunité à saisir même si rien n’est écrit d’avance. Existe aussi le risque d’un monde du travail de plus en plus clivé entre les entreprises mobiles, créatives et sachant s’adapter et celles qui, pour de nombreuses raisons, resteront ancrées dans un modèle traditionnel.
Face à ce risque, Pascal Picq met l’accent sur les avantages des modes hybrides. Hybride est un mot qui est, pour lui, porteur de vie, de souplesse, d’adaptation. Apparaît là le paléoanthropologue, façonné par « l’évolutionnisme » qui laisse pousser tous les bourgeons possibles, dont les plus adaptés à l’environnement pousseront plus vite. L’auteur l’oppose au « solutionnisme » qui utilise les progrès techniques pour faire plus efficacement des produits ou des services déjà diffusés. Dans le monde économique, l’évolutionnisme consiste à créer un bouillon de culture favorable à des idées nouvelles qui se concrétiseront par de nouveaux produits et de nouveaux services, porteurs de richesses.
Beaucoup des analyses et des projections présentées par Pascal Picq sont inspirées de l’observation des singes. D’un côté, il présente le modèle « chimpanzé » où les rapports entre les individus évoluent et où l’information est partagée. De l’autre, dans le modèle « macaque », les règles de domination sont immuables.
L’auteur pense que, pour évoluer, beaucoup d’entreprises oseront passer du modèle « macaque » au modèle « chimpanzé ».
Arnaud Laudenbach
Les chimpanzés et le télétravail – Pascal Picq – Editions Eyrolles / 2021 / 231 pages / 18 €