« L’économie à venir » est la transcription d’un dialogue entre Gaël Giraud, jésuite français, et Felwine Sarr, sénégalais et défenseur d’une voie de développement propre à l’Afrique. Tous deux sont économistes, universitaires chercheurs et essayistes. Le choix du dialogue est la pierre angulaire du livre ; pour les deux auteurs, il n’y a pas d’avenir possible sans faire fructifier les différences de cultures.
Par petites touches, les deux hommes déconstruisent l’économie classique, devenue néolibérale, en mettant en évidence les impasses auxquelles elle conduit, sa résistance à faire évoluer ses méthodes et ses concepts, sa soumission à la tyrannie du chiffre, son déni d’un avenir à bâtir puisque l’homo œconomicus est, par convention, entièrement rationnel et prévisible.
Mais ce travail de déconstruction n’est finalement pas l’essentiel de ce livre qui, malgré son nom, ne propose ni prévision sur l’avenir de l’économie, ni conseils directs sur la meilleure façon de conduire l’économie.
L’espace où Giraud et Sarr dialoguent est au carrefour de la philosophie, de l’anthropologie, de la spiritualité, des sciences, de l’écologie et de l’histoire des peuples et en particulier tout ce qui s’est noué ou dénoué au fil de temps longs entre le Nord et le Sud, entre la France et l’Afrique en particulier.
Dans ce livre qui fait converser des pensées parfois difficiles à suivre, les auteurs amènent le lecteur à prendre conscience que l’esprit des Lumières et la Raison, bases de la vision occidentale du monde, qui se prolonge aujourd’hui par la globalisation, ont aussi été des vecteurs de domination.
En convoquant des situations diverses mais très concrètes comme le génocide au Rwanda, les essais ambigus pour faire état des droits de la nature dans la constitution équatorienne, ou l’émergence de « mouvements des places » dans nombre de capitales du monde, les auteurs nous bousculent, nous font changer de place et nous amènent à réfléchir avec eux à ce qui pourrait être une promesse d’avenir partagé. Mais, il n’y a pas de solution toute faite, puisque cet avenir partagé sera toujours à rebâtir, à partir d’un « héritage soumis en permanence à discernement collectif ».
Arnaud Laudenbach