Alors que la Russie de Poutine mène une guerre fratricide en Ukraine et célèbre avec fracas dans un grand déploiement de chars et de missiles l’anniversaire de la fin de la 2e guerre mondiale, l’Europe fête ce 9 mai dans la discrétion le 72e anniversaire de la déclaration Schuman. Quel contraste !
Le Covid-19 avait déjà fait considérablement progresser l’intégration européenne : achat de vaccins en commun, puis plan de relance massif avec emprunt communautaire. La guerre en Ukraine lui fait franchir un nouveau pas : les Européens découvrent leur fraternité, leur solidarité, leur unité. Ils accueillent massivement les réfugiés, se mobilisent pour leur porter secours, leur fournissent des armes, et surtout se détournent du pétrole et du gaz russes, au prix de lourds sacrifices sur le pouvoir d’achat. Nous découvrons que, contrairement à ce qu’affirment les populistes, il y a bien un peuple européen, qui partage des valeurs communes et un destin commun.
L’Europe a certainement joué un rôle important dans la réélection d’Emmanuel Macron, face au danger de Frexit déguisé que représentaient Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon. Nos partenaires européens poussent un « ouf » de soulagement : la France est bien arrimée à l’Europe et va pouvoir continuer à jouer un rôle moteur de premier plan pour faire face aux défis majeurs qui l’attendent :
– sécurité : les projets de défense européenne intégrée ont plus avancé en deux mois qu’en vingt ans, même si l’OTAN reste le socle incontournable de la défense européenne.
– climat : le Pacte vert européen dont vient de se doter l’Union est très ambitieux. Il devrait modifier en profondeur le cadre de nos économies et placer l’Europe au premier rang des acteurs en faveur de la transition énergétique, bien boostée par le boycott des hydrocarbures russes.
– numérique : le Digital Service Act et le Digital Market Act, deux futurs règlements – donc immédiatement applicables sans transposition en droit national – sur lesquels le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un accord le 22 avril, sont des armes très puissantes dont vient de se doter l’Union pour se défendre contre la mainmise des GAFAM sur le paysage numérique européen et les risques qu’ils font courir à nos données, notre vie privée et notre souveraineté. On n’imagine pas les trésors de persuasion qu’ont dû déployer leurs deux auteurs, Thierry Breton et Margrethe Vestager pour faire aboutir ce projet.
Comme le prédisait Jean Monnet, c’est à l’occasion des crises que l’Europe avance. Mais rien n’est jamais acquis définitivement, comme viennent de le montrer le score inquiétant obtenu par les candidats eurosceptiques lors de l’élection présidentielle française et le succès inespéré de Victor Orban en Hongrie. L’unité européenne restera longtemps encore un combat pour la liberté et la démocratie.
Claude Bardot, ancien co-responsable du secteur Nord des Hauts-de-Seine, secrétaire général de la section des Hauts-de-Seine du Mouvement européen