Erwan Le Morhedec est un avocat catholique, mais le plaidoyer qu’il fait contre la légalisation de l’euthanasie dans ce livre ne fait presque pas référence à la foi chrétienne, du moins explicitement. Il se place dans le champ même des principes de notre République : liberté, égalité, fraternité sont en effet les titres des trois chapitres de l’ouvrage.
Liberté de choisir sa mort si la douleur devient insupportable ! L’auteur retourne l’argument en prévoyant que la légalisation de l’euthanasie créera une liberté biaisée, avec une pression grandissante sur les malades et leurs familles pour en finir vite. Le Morhedec rappelle que les soins palliatifs, avec la possibilité de sédation profonde et continue en phase terminale si nécessaire, répondent à l’attente des Français et que nombreux sont ceux qui, optant dans un premier temps pour l’euthanasie, se laissent porter par ces soins quand ils sont prodigués avec attention et humanité.
Égalité pour éviter que le droit de se faire euthanasier soit réservé aux personnes ayant les moyens d’aller à l’étranger ! Mais ce sont en fait des cas très rares. Si l’euthanasie devient légale chez nous, ce sont les personnes les moins bien entourées, les plus démunies socialement, que l’on amènera en priorité à « consentir à l’euthanasie », le consentement n’étant qu’une liberté sous contrainte.
Fraternité ! L’auteur cite de nombreux cas où, au-delà de la douleur, les derniers temps de la vie ont été pleins de sens, parfois contre toute attente raisonnable : des réconciliations, des apaisements, de simples regards. Alors que l’euthanasie encadrerait le processus dans des délais légaux et mécaniques, les soins palliatifs laissent au patient le temps de vivre et le temps de mourir.
Et à ceux qui rétorquent que la sédation profonde et continue ne serait qu’une euthanasie déguisée, l’auteur objecte que, dans la philosophie du droit, l’intention ne peut être séparée des faits. Le but de l’euthanasie est de faire mourir. Celui des soins palliatifs est de soulager la souffrance. L’euthanasie et les soins palliatifs ne sont pas complémentaires : la légalisation de l’euthanasie serait la fin programmée des soins palliatifs, comme cela se constate en Belgique, pays de référence pour les partisans de cette légalisation.
Le livre, étayé de très nombreux témoignages et citations des partisans des deux voies, peut faire réfléchir, même ceux qui sont très certains de la nécessité de faire encore évoluer la loi.
Arnaud Laudenbach