« Laissons-nous toucher par l’histoire de nos frères et sœurs en difficulté qui ont le droit tant d’émigrer que de ne pas émigrer, et ne nous enfermons pas dans l’indifférence. […] Nous avons besoin de fraternité comme de pain. Le mot même “frère”, dans sa dérivation indo-européenne, révèle une racine liée à la nutrition et à la subsistance. Nous ne nous soutiendrons qu’en nourrissant d’espérance les plus faibles, en les accueillant comme des frères. “N’oubliez pas l’hospitalité” (He 13,2), rappelle l’Écriture sainte. » (Discours de clôture du pape François lors des Rencontres méditerranéennes, Marseille, 23 septembre 2023).

Dans son histoire, le continent européen a toujours été un lieu de rencontres, un vaste carrefour où des peuples se sont déplacés, supplantés ou alliés. Et pourtant, aujourd’hui, les politiques migratoires de l’Union européenne ont une approche toujours plus répressive et sécuritaire ; elles sont au service de l’endiguement et des expulsions des personnes en migration ; elles se font au détriment d’une politique d’accueil qui s’attache à garantir et à protéger la dignité et les droits fondamentaux.

C’est le triste constat que nous faisons dans le nouveau numéro d’Échos du monde, le magazine du CCFD-Terre Solidaire. Un numéro tourné vers l’Europe qui nous invite à découvrir certaines des actions de nos partenaires qui font œuvre de fraternité. Ils accompagnent les personnes migrantes dans différents pays, et en particulier aux nouvelles frontières érigées par l’Union Européenne. Comme les hotspots, ces centres d’enregistrement qui ne répondent pas toujours à la mission qui leur a été confiée « d’organiser les procédures, de connecter les ONG, les services d’asile et les réfugiés ». Ou encore ces pays où le passage des personnes migrantes est invisibilisé afin de ne pas avoir à assumer notre rôle d’accueil, d’assistance et d’efforts pour mettre en place une politique migratoire européenne efficace, humanitaire et sûre.

En cette période de Carême, nous sommes invités à nous laisser interpeller par ces vies, par ces personnes qui ne demandent qu’à pouvoir vivre en sécurité et portent un appel au respect de leur dignité. N’hésitons pas à faire raisonner l’appel lancé par le pape François dans sa lettre pour le Carême : « Aujourd’hui encore, le cri de tant de frères et sœurs opprimés parvient au ciel. Posons-nous la question : est-ce qu’il nous parvient à nous aussi ? Nous ébranle-t-il ? Nous émeut-il ? De nombreux facteurs nous éloignent les uns des autres, en bafouant la fraternité qui, à l’origine, nous liait les uns aux autres. Lors de mon voyage à Lampedusa, j’ai opposé à la mondialisation de l’indifférence deux questions de plus en plus actuelles : “Où es-tu” (Gn 3, 9) et “Où est ton frère” (Gn 4, 9). »

 

Inès Minin, directrice générale du CCFD-Terre Solidaire