témoignage

Transformation écologique dans le bâtiment : une JP à l’œuvre

Comment souhaitez-vous intégrer la sobriété dans votre modèle d’affaires ? C’est la question que j’ai posée au directeur général de mon entité lors de mon premier entretien et qui m’a valu d’être embauchée. Cela dérange forcément de
se poser vraiment cette question quand on est dirigeant, et plus encore d’essayer d’y répondre avec sincérité.

C’est ainsi que je suis arrivée, il y a trois ans, dans un grand groupe du bâtiment pour y piloter la transformation écologique de la branche opérationnelle en charge des logements franciliens. De formation en management de la transformation, femme et jeune, très engagée dans ma conversion écologique personnelle et dans plusieurs associations de lobby écolo, je détonnais dans un environnement plutôt masculin et ingénieur.
Ce fut le fruit de deux rencontres avec le directeur général et le directeur technique. Rien ne nous destinait à nous croiser professionnellement, et encore moins à nous retrouver autant sur la vision de cette transformation que nous avons déployée. L’atypisme de leurs profils a été central dans notre alignement, que cela soit par leur origine sociale ou leur conviction écologique. Il a permis une ouverture d’esprit précieuse pour aborder l’incertitude et l’inconfort que génère une transformation d’organisation.

 

Le passage par le modèle d’affaires
Cette transformation devait être systémique : une transition écologique ambitieuse ne passe que par une reconfiguration des sources de revenus, du niveau de marge visé et des façons de commercialiser les produits vendus. Passer à côté de cette question, c’est passer à côté d’une réelle ambition de transition. C’est d’ailleurs un filtre anti-greenwashing très efficace : si la majorité des actions RSE mises en place ne sont que des “optimisations” de l’existant, c’est que le niveau de maturité des dirigeants est relativement faible sur l’environnement. Dans le cas du bâtiment par exemple, cela serait une incitation à utiliser plus de béton bas carbone mais ne pas questionner l’utilité de construire des grandes plateformes logistiques sur des terres agricoles.
Ce qui se cache derrière cette approche est en fait le questionnement de l’utilité et donc de la légitimité d’opérer économiquement. Cette question nous invite à considérer ce qui est essentiel, porteur de justice et de bien-être dans notre société, et à tenter d’y répondre par des moyens justes et respectueux de la dignité de chacun et chacune.

 

Une prise de conscience des managers intermédiaires
Après avoir travaillé sur la vision, l’opérationnalisation s’est déclinée en deux aspects principaux : les processus et outils d’un côté, la culture et les pratiques collectives de l’autre, ces deux aspects interagissant ensemble.
Essentiels pour incarner le changement souhaité par métier, les groupes de travail d’établissement de processus ont permis de faire se rencontrer et travailler ensemble des métiers qui ne se connaissaient pas. Ont été proposées des pistes d’investissement pour opérationnaliser la décarbonation de l’activité en lien avec la direction financière. J’avais à cœur d’agir dans une logique de subsidiarité pour que les métiers concernés
soient également ceux qui choisissent comment opérationnaliser le changement. Ce sont ceux et celles qui font qui savent, et la prière me l’a rappelé plus d’une fois lorsque j’anticipais un peu trop vite leurs besoins !
Cette approche en co-construction a beaucoup participé à une prise de conscience progressive des impacts environnementaux et a créé un espace de questionnement très utile pour construire et transmettre le sens de la démarche, notamment pour les managers intermédiaires.
En effet, ceux-ci ont une place particulière dans une transformation: ils ne décident pas de grandes orientations, mais doivent pourtant les transmettre et les appliquer alors qu’elles sont bien souvent des injonctions paradoxales. C’est ainsi que des “récits” de la transformation se créent et se partagent.
Une partie de la gestion de cette transformation nous échappe. L’Esprit saint agit profondément pour transformer les cœurs, avec nos lots de péchés, d’égo, de limites… “Il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence : nuit et jour, qu’il dorme ou qu’il se lève, la semence germe et grandit, il ne sait comment” (Mc, 4, 27).

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