Pierre-André de Chalendar

Président du conseil d’administration de Saint-Gobain

témoignage

La discrétion volontaire d’un dirigeant chrétien, Pierre-André de Chalendar

Président du conseil d’administration de Saint-Gobain, Pierre-André de Chalendar revient avec nous sur ses dernières années à la tête de l’entreprise en tant que chrétien, soucieux de l’humain, soucieux de la responsabilité sociale et environnementale, au service d’une entreprise qui n’en est pour lui que plus efficace, in fine.

Responsables : Pourquoi avoir choisi de rester très discret sur votre appartenance religieuse ?

Je ne voyais pas la nécessité d’afficher mes convictions religieuses, ni en interne même si mes prédécesseurs étaient issus du catholicisme social, ni à l’extérieur, Saint-Gobain étant une société internationale avec des salariés non croyants ou de religions différentes. La neutralité me semblait préférable pour le rayonnement de l’entreprise.
J’ai parlé de ma foi lorsque j’ai accepté d’occuper le poste de président de la chaire du bien commun à l’Institut catholique de Paris (ICP) qui souhaitait s’ouvrir aux politiques, entreprises, associations ou syndicats. J’ai assuré cette présidence à titre personnel mais il était clair que pour tous, j’étais aussi président de Saint-Gobain, et non à titre personnel. Alors de fait, lors des colloques organisés par l’ICP, mon engagement justifiait mon affichage chrétien.

Votre foi agit-elle dans votre vie professionnelle ?

Oui, ma foi m’a amené à me questionner avant de prendre certaines décisions. Pas à les changer mais à essayer de les mettre en perspective, car il existe des conflits de devoir permanents. Je pense que les chrétiens prennent davantage en compte l’humain. Saint-Gobain est une entreprise qui a des valeurs humanistes. J’ai essayé d’incarner ces valeurs et d’en être le garant. Avec les moyens de communication d’aujourd’hui, tous les salariés connaissent leur P.-D.G. La manière dont le chef se comporte, son exemplarité, est importante.

Vous ne voulez pas vous servir de votre foi comme une justification ?

Je pense qu’il y a des traditions humanistes qui n’ont pas besoin de s’appuyer sur le spirituel. Je fais donc très attention de ne pas donner l’impression de donner des leçons. Mon critère a toujours été l’efficacité pour la société, en prenant en compte l’humain – le respect de la personne est très important – mais sans faiblesse.

Il faut appeler chacun à se dire que tout ne se vaut pas et éveiller au discernement.

J’ai utilisé le vocabulaire de la doctrine sociale de l’Église sans le dire. J’ai souvent défini dans mes discours l’entreprise comme une communauté de personnes. Ceux qui connaissaient savaient que je ne le disais pas par hasard. Mais je n’avais pas besoin de dire d’où cela venait.

Votre entreprise milite pour une vision très globale de la responsabilité, proche de celle du pape qui prône une responsabilité intégrale. Les chrétiens ont-ils quelque chose de particulier à dire ou touchent-ils une fibre tellement humaine qu’elle devient évidente ?

Il faut appeler chacun à se dire que tout ne se vaut pas et éveiller au discernement. Je mets les questions humaines au milieu des décisions car je considère que c’est le point central de la responsabilité sociale et environnementale et que l’entreprise n’en sera que plus efficace in fine. Ma source d’inspiration reste l’encyclique Laudato Si’ même si elle contient deux affirmations avec lesquelles je ne suis pas d’accord. D’une part, celle qui critique la globalisation du paradigme technocratique (LS 106) et d’autre part, celle selon laquelle un monde décarboné est impossible sans une certaine décroissance” (LS 193). Je crois à l’innovation justement dans ce domaine : la capture et le stockage du carbone, la fusion nucléaire, le stockage de l’électricité… Et je pense qu’il faut décorréler la croissance de la consommation d’énergie et décorréler celle-ci de l’émission de CO2. Les pays scandinaves le font déjà. L’Europe représente 7 % du problème. Elle doit montrer l’exemple pour entraîner les autres. Cependant le pape a raison d’être plus exigeant avec les pays occidentaux qu’avec les pays émergents.

Le MCC est en pleine réflexion sur le chemin du changement. Comment voyez-vous ce mouvement ?

Le MCC doit d’abord apporter à ses membres un cadre de réflexion. De plus en plus de jeunes se posent des questions, ils ont besoin de cohérence. La dichotomie complète entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle les dérange beaucoup plus que les générations précédentes. Le MCC peut les aider à trouver un positionnement personnel et leur donner des points de repères en leur expliquant que la doctrine sociale de l’Église est une source d’inspiration pour unifier leur vie et agir.

 

Propos recueillis par Bertrand Hériard et Sylvie de Roumefort

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