Le prix du travail bien fait

Yves Clot est spécialiste de psychologie du travail, et, comme son équipe avec laquelle il a écrit ce livre, il a une solide expérience de terrain : c’est elle qui donne toute la force du livre, centrée sur trois situations que cette équipe a suivies sur plusieurs années.

La langue du livre est un peu pesante, mais le lecteur est captivé par ces trois récits où on voit l’évolution des personnels d’un EHPAD dans un cas, d’une équipe d’éboueurs dans un autre, et d’un atelier de l’usine Renault de Flins dans le troisième.

Pour les auteurs, il ne suffit pas d’avoir la bonne intention de donner la parole au personnel. Il faut avoir des outils rigoureux dans l’organisation du dialogue. Pour bien rester ancré dans le réel, rien de tel que de partir de séquences de travail filmées, revues et commentées par les acteurs eux-mêmes, mettant en évidence les approches différentes, appelant à expliciter le pourquoi de chaque geste, pointant les sources de défauts possibles, pouvant aussi entraîner des risques pour la santé.

Cette première étape de dialogue parfois conflictuel entre professionnels de base n’a d’intérêt que si elle se poursuit avec la hiérarchie, puisque c’est elle qui décidera des modifications à apporter pour faciliter le travail. Et elle n’a d’intérêt que si les syndicats sont aussi associés : ils sont souvent éloignés du travail concret, mais ils apportent leur légitimité institutionnelle. Ce jeu en triangle permet souvent de sortir des blocages.

Dans ces trois cas, les auteurs-acteurs ont apporté toute leur expertise, avec beaucoup de doigté pour s’adapter à chaque contexte, mais aussi avec beaucoup de modestie car si les trois exemples rapportés semblent probants, les auteurs ne prétendent nullement avoir la recette universelle pour réduire tous les risques liés au travail.

Arnaud Laudenbach