PUF, 2024

96 pages

lu

Comment le droit nous rapproche de la nature

Sacha Bourgeois-Gironde | Frantz Gault

« L’acidification de l’océan, l’assèchement d’une rivière, la fonte d’un glacier sont les conséquences directes ou indirectes d’institutions humaines », constate Sacha Bourgeois-Gironde qui se demande ce qui, dans le droit, ses techniques et ses concepts, permettrait de garantir l’habitabilité du monde. Deux voies se proposent à nous : celle qui octroie le statut de personnalité juridique à des entités vivantes ou écosystémiques, comme le fleuve Atrato en Colombie, ou celle centrée sur notre place d’humain redevable envers la nature.

D’un côté, le droit naturel écocentrique ; de l’autre, la valorisation des relations et des « attachements » au travers de droits à revisiter : droits de succession, de la santé ou de la propriété intellectuelle. L’auteur invite à repenser notre relation d’héritiers et de légataires des environnements naturels, à considérer les biens naturels comme inaliénables et supports de justice intergénérationnelle. En valorisant les interactions et des processus naturels, il ouvre à la responsabilité pour tout propriétaire de maintenir et entretenir les milieux dont il est dépositaire.

Les entreprises ont ici un rôle capital à jouer. C’est le sujet qu’aborde Frantz Gault, en distinguant trois modèles d’affaires fondés sur les catégories de Philippe Descola. « La nature ne peut plus être considérée comme une marchandise, écrit-il. Elle doit être protégée et pourrait même devenir une entité qui gouverne. » Il l’imagine devenir salariée si l’on se place dans un cadre animiste qui valorise chaque organisme individuel, chaque âme, qu’elle soit humaine ou non. Elle pourrait aussi être une « partie prenante » qui porte la voix des écosystèmes (vision analogiste des êtres vivants en relation). Mais la nature aurait aussi toute légitimité à être reconnue comme actionnaire, tant elle constitue un facteur de production puissant et incontournable. L’« apport en nature » des communautés biotiques territorialisée ou « écoumènes », chères au totémisme, serait ainsi reconnu comme « capital naturel ». Avec un pouvoir pour inaugurer une véritable politique des communs ?

 

Dorothée Browaeys

 

 

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