Charles Dalens

Directeur général des Semaines sociales de France

Charles Dalens

Directeur général des Semaines sociales de France

point de vue

Questionner nos représentations du travail

Pourquoi allons-nous travailler ? Voici la question posée cette année par les Semaines sociales pour leur rencontre annuelle, dans un contexte encore très imprégné par le débat tendu sur les retraites et de fortes interrogations des plus jeunes sur le sens du travail. Le directeur général des Semaines sociales partage quelques clés en ouverture de cette rencontre.

La rédaction : Quels premiers enseignements tirez-vous de la journée qui vient de se tenir à Reims ?

Charles Dalens : La journée à Reims a souligné à quel point le travail reste central et déterminant dans nos vies, alors même que notre emploi ne prend plus qu’un temps restreint dans notre existence. Ces transformations profondes laissent à penser que le rapport au travail sera dorénavant marqué par une incertitude constante. Nous avons perçu l’inquiétude de certains face à la perte de repères. Et ce ne sont pas les jeunes qui en ont le plus peur. Cela impose de développer notre capacité à travailler dans un monde incertain et mouvant, avec des besoins en formation en forte mutation pour l’avenir : la résilience et la créativité deviendront des compétences indispensables pour continuer d’œuvrer au Bien commun. Surtout, nous avons perçu une formidable soif d’authenticité. Une façon de renouveler la question du sens au travail est apparue, pour nous chrétiens, autour de la fraternité au travail.

La rédaction : Comment la session prendra-t-elle en compte les différences d’approche des générations sur le sens donné au travail ?

Charles Dalens : Plus qu’une question générationnelle, c’est notre vision sur le travail sous toutes ses formes que nous voulons interroger. La survalorisation de l’emploi salarié dans nos représentations du travail est aujourd’hui à re-questionner. L’aidance, le bénévolat, le travail domestique, les tâches parentales sont des formes de travail non rémunérées, pourtant indispensables à la société. En mettant la lumière sur des formes invisibles ou moins visibles de travail, qui peuvent parfois être subies, nous voulons leur donner une meilleure reconnaissance, afin que toutes ces formes de travail soient reconnus à égale dignité.

La rédaction : La session abordera-t-elle les enjeux de l’intelligence artificielle sur le rapport au travail ?

Charles Dalens : Absolument. Les transformations induites par l’intelligence artificielle sont au cœur de nos préoccupations. Au-delà de la disparition de certains métiers et de l’apparition de nouveaux, c’est plus largement sur la qualité du travail et la réappropriation d’un pouvoir d’agir collectif que nous voulons réfléchir. L’IA pose aussi des questions éthiques et participe plus largement au débat sur une écologie du travail et la manière d’investir toutes les formes du travail de manière humaine, fraternelle et reliées à ses écosystèmes.

La rédaction : Comment les Semaines sociales de France se sont-elles intéressées au travail au fil des sessions ? 

Charles Dalens : La questions du travail a toujours été un sujet d’attention des Semaines sociales. Puisant son objet dans la diffusion de la pensée sociale chrétienne, l’association a contribué à la réflexion sur les conditions de travail et les droits des ouvriers, inspirée par l’encyclique Rerum Novarum. Plus récemment, nous avons abordé des thèmes comme la justice sociale, l’évolution des carrières ou encore la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, autant de sujets au cœur de nos sociétés. Avec le temps, notre rôle de forum a permis d’éclairer ces enjeux au prisme de l’enseignement social chrétien, tout en restant ouvert aux idées et aux préoccupations du monde contemporain.

La rédaction : Quelles suites envisagez-vous pour faire connaître les réflexions qui ressortiront des Semaines sociales sur ce thème ?

Charles Dalens : Afin de diffuser les réflexions et les propositions issues de cette session, nous avons plusieurs pistes mais n’avons pas arrêté de format à ce stade… et pour cause, des temps de construction collective seront proposés aux participants lors de la session. Il est toutefois prévu d’interpeller les institutions publiques sur ces réflexions et ce dès le dimanche après-midi : nous prendrons “à chaud” les réactions de François Asselin, président de la Conférence des petites et moyennes entreprises. Les actes de cette rencontre seront publiés au printemps 2025 et dans l’intervalle, nous publierons des tribunes et alimenterons nos antennes des Semaines sociales de France pour assurer cette diffusion.

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Propos recueillis par Robert Migliorini.

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