Christian Pian

Enseignant en théologie morale à l’Institut catholique de Paris

Christian Pian

Enseignant en théologie morale à l’Institut catholique de Paris

analyse

Aux sources de la doctrine sociale

Pour réfléchir sur les sources de la doctrine sociale de l’Église (DSE), Christian Pian, diacre et accompagnateur spirituel en Hauts-de-Seine, appuie sa réflexion sur les « sources officielles » en la matière.

Une source importante est le document de la Congrégation pour l’éducation catholique de 1988 intitulé Orientations pour l’étude et l’enseignement de la Doctrine sociale de l’Église dans la formation sacerdotale. Il affirme que « l’enseignement social de l’Église tire son origine de la rencontre du message évangélique et de ses exigences éthiques avec les problèmes qui surgissent dans la vie de la société » et qu’il « se forme par le recours à la théologie et à la philosophie, lesquelles lui donnent un fondement » et qu’il a aussi recours « aux sciences humaines et sociales qui lui apportent un complément » (§ 3).

À l’origine, la Bible

Le Compendium de la doctrine sociale de l’Église (cf. les n° 72 à 78) précise que « le fondement essentiel de la doctrine sociale réside dans la Révélation biblique et dans la tradition de l’Église » (n° 74). C’est donc sans doute d’abord vers le donné biblique qu’il faudra se tourner quand on est à la recherche de sources mais en réfléchissant sur la façon dont nous procédons alors.

La théologie morale

Le jésuite et théologien moraliste Alain Thomasset envisage plusieurs modèles pour se référer aux Écritures en vue d’alimenter une réflexion théologique et morale, ce qui peut être le cas avec la DSE. (cf. son livre Interpréter et agir. Jalons pour une éthique chrétienne, p. 73-79) :

  •  « L’obéissance au commandement » qui consiste à voir la vie morale comme « l’obéissance de la foi face au commandement que Dieu adresse à chacun » (cf. les récits de vocation).
  • « L’Écriture comme rappel moral », qui « ne fournit pas de nouveaux commandements » mais vient rappeler les normes d’une loi morale naturelle, c’est-à-dire rationnelle et accessible à tous.
  • « L’appel à la libération » qui « se concentre surtout sur les événements et symboles clés qui révèlent l’action libératrice de Dieu » (l’Exode, le retour d’Exil).
  • « La réponse à la Révélation » qui utilise d’abord l’Écriture comme « ce qui donne vision et perspective » pour se demander « Qu’est-ce que Dieu fait dans ma vie ? ».
  • « Devenir disciples de Jésus », façon de lire les passages bibliques pour chercher ce qui peut rapprocher les chrétiens du « style distinctif de leur maître » en s’intéressant aux récits et paraboles évangéliques.
  • « Un amour de réponse », enfin, modèle de lecture de la Bible qui y cherche des ressources pour toujours mieux « se conformer à la personne du Christ dont l’exemplarité ne touche pas seulement l’exercice du bien, mais aussi son sens ».

La Tradition

Pour la théologie catholique, la tradition de l’Église est une source. Elle se dit dans le magistère, comme l’explique la constitution Dei verbum du concile Vatican II (en son n° 10) selon lequel « ce Magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il est à son service ».

L’apport des chrétiens

En fait, être attentif au message évangélique pour nourrir une DSE vivante c’est au final se tourner vers l’expérience même des chrétiens en tant que « vie cherchant à normer la vie » (pour reprendre le titre de l’article de Luc Dubrulle La doctrine sociale : une vie cherchant à normer la vie). Il s’agit ici de se rappeler de ce que le Compendium lui-même souligne avec force concernant la DSE qui « n’est pas la prérogative d’une composante du corps ecclésial, mais de la communauté tout entière » (n° 79). Ainsi un article complémentaire du père jésuite David Hollenbach nous invite à approfondir « l’expérience des chrétiens » comme « source de la pensée sociale catholique ». Cette vie sociale des chrétiens et leurs expériences peuvent ainsi être ressaisies au travers de grilles de lectures éthiques qui sont partagées avec d’autres : par exemple, celles offertes par la perspective de la dignité et des droits humains ou encore du bien commun et des « communs » qu’on redécouvre heureusement dans notre monde d’aujourd’hui.

Ces principes alimentent une pensée sociale conforme aux exigences du christianisme. Mais une DSE s’alimentant à la vraie source sera toujours une foi vécue qui prend corps dans l’engagement social (cf. André Talbot, « La doctrine sociale de l’Église catholique : une foi qui prend corps dans l’engagement social », Vie Sociale, 2008, disponible en ligne via Cairn.info).

Pour aller plus loin

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