Monique Baujard

Responsable du Service national Famille et Société de la Conférence des évêques de France de 2009 à 2015

Monique Baujard

Responsable du Service national Famille et Société de la Conférence des évêques de France de 2009 à 2015

analyse

De Vatican II à Laudato si’, lire les signes des temps

Le monde change mais Dieu reste présent. Parce que l’Église a le souci de rejoindre la vie concrète des hommes, elle cherche à comprendre les questions nouvelles qui se posent à eux, et à y répondre à la lumière de l’Évangile. À la tête du Service national Famille et Société de la Conférence des évêques de France de 2009 à 2015, Monique Baujard éclaire cette notion en lien avec son expérience.

Lire les signes des temps, ce n’est pas plaquer un idéal chrétien sur la réalité. C’est poser sur la réalité un regard confiant. L’Esprit y est à l’œuvre.

Dans l’Évangile, le Christ reproche aux pharisiens et aux sadducéens de savoir interpréter l’aspect du ciel mais d’être incapables  d’interpréter les signes des temps (Mt 16,2-3). Remise à l’honneur au moment du Concile Vatican II, cette expression continue à nous interpeller aujourd’hui. Selon Gaudium et Spes (GS) « l’Église a le devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps et de les interpréter à la lumière de l’Évangile » (GS 4). Il s’agit pour elle de connaître et de comprendre le monde dans lequel nous vivons pour pouvoir répondre aux questions de chaque génération. Le même texte précise que « le peuple de Dieu s’efforce de discerner dans les événements, les exigences et les requêtes de notre temps, auxquels il participe avec les autres hommes, quels sont les signes véritables de la présence ou du dessein de Dieu » (GS 11). Notez que ce discernement n’est pas confié uniquement aux évêques et aux prêtres mais bien à tout le peuple de Dieu.

Comprendre le monde

À l’époque, il s’agissait d’un véritable changement. L’Église ne se situait plus en aplomb mais au milieu des hommes. Elle n’était plus la société parfaite qui pouvait formuler les questions et les réponses à l’attention de tous, mais elle avait à apprendre du monde, à entrer en dialogue (GS 44). Ce changement a été voulu et impulsé par les deux papes du Concile. Jean XXIII, en ouvrant le Concile en 1962, souhaitait que l’enseignement de l’Église ait davantage un caractère pastoral, c’est-à-dire qu’il tienne compte de ses interlocuteurs et de sa réception. Il a fait une lecture des signes des temps dans son encyclique Pacem in terris (1963). Paul VI, qui a mené à terme le Concile, insista sur le dialogue entre l’Église et le monde (Ecclesiam Suam, 1964).

À un niveau très modeste, le Service national Famille et Société de la Conférence des évêques de France, que j’ai dirigé de 2009 à 2015, participe à cet effort de comprendre le monde qui nous entoure. Souvent il s’agit de solliciter des experts et de coordonner un travail interdisciplinaire pour éclairer les évêques sur une problématique donnée. Le service peut aussi alerter les évêques sur des questions qui émergent ou encore relayer ce qui remonte du terrain. Les aumôneries des hôpitaux et des prisons et différents secteurs de pastorale, dont celle des familles, sont en effet rattachées à ce service et elles constituent autant d’observatoires de la société. Ce travail d’analyse peut servir de base pour les prises de position des évêques.

Ouvrir la voie au dialogue

Il n’aura échappé à personne qu’il est devenu difficile pour l’Église de faire entendre sa voix. Elle n’a pas la maîtrise de l’agenda et doit trouver les moyens adéquats pour participer aux débats de société. Le dialogue peut s’avérer compliqué mais il porte ses fruits. Deux exemples peuvent l’illustrer. Au moment de l’adoption de la loi sur le mariage pour tous, il fallait une fine oreille pour entendre, derrière la requête d’une égalité de droits, un besoin de reconnaissance. Reconnaissance de la dignité des personnes et de leur capacité à aimer en vérité. Le dialogue n’a pas été possible autour de ce sujet, ni à l’intérieur ni à l’extérieur de l’Église. Le résultat est que les catholiques ont été globalement assimilés aux plus intransigeants d’entre eux et n’ont pas été entendus. À l’inverse, l’encyclique Laudato si’ du pape François a reçu un accueil positif bien au-delà des cercles catholiques. Un homme politique m’a fait remarquer que c’était possible parce que le pape « parlait à hauteur d’hommes ». C’est-à-dire, devant le constat d’un problème commun, il s’est contenté d’apporter des éléments de réflexion à partir de la tradition chrétienne et a ainsi ouvert la voie à un dialogue avec d’autres pour trouver des solutions.

Lire les signes des temps, ce n’est pas plaquer un idéal chrétien sur la réalité. C’est poser sur la réalité un regard confiant. L’Esprit y est à l’œuvre. À nous de découvrir, particulièrement dans la crise actuelle, où notre liberté peut s’engager pour bâtir un monde meilleur !

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