Solange de Coussemaker

Comité de rédaction

Solange de Coussemaker

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reportage

Au Service jésuite des réfugiés (JRS), des conversations créatrices de lien

De la crise des boat people à la guerre en Ukraine, l’ONG Jesuit Refugee Service (JRS) international et son antenne JRS France, fondées respectivement en 1980 et en 2009, se donnent pour mission d’accueillir dignement les réfugiés et les personnes déplacées par force, et de défendre leurs droits.

Autour d’une dizaine de tables, des étudiants de Sciences Po, voisins, échangent avec des jeunes de leur âge: Issa, qui maîtrise le persan et le suédois, Hassan au français laborieux, Amin passé par Bordeaux et intarissable sur sa passion pour la cuisine. Dans cette salle dite “de conversation”, difficile de distinguer qui aide qui, qui vient d’où, tant l’écoute est intense entre les personnes, françaises ou étrangères. Certains participants jouent le rôle d’interprète pour ceux qui parlent des langues rares. Des salariés volontaires d’une société de gestion d’actifs immobiliers se joignent, une fois par semaine, à ces groupes d’échange. Guillaume Rossignol, nouveau directeur de JRS France, avocat de formation, souligne la richesse des interactions entre réfugiés et Français. “La conversation avec les réfugiés se révèle créatrice de liens entre les volontaires eux-mêmes”, complète-t-il.

Bien intégrer, c’est d’abord bien accueillir

Accueil, hospitalité citoyenne, emploi-formation, école de français, accompagnement juridique, plaidoyer sont quelques-uns des programmes développés par JRS France, qui ne se définit pas comme une structure de première urgence. Sa vocation est d’accompagner les personnes durant la période d’instruction de leur dossier de demande d’asile, qui voit certains se retrouver à la rue, puis dans leur chemin d’intégration. L’ONG jésuite se charge de trouver des hébergements temporaires dans des familles d’accueil via son réseau JRS Welcome1 (50 246 nuitées en 2020), de leur donner des cours de français, un soutien juridique, au sein d’antennes à Paris et en province. Malgré les contraintes, le Covid n’a pas interrompu ces accueils, y compris pendant le confinement. Quelque 4500 bénévoles font vivre le dispositif en France. “Bien intégrer, c’est d’abord bien accueillir”, plaide le nouveau directeur. Le fait d’apprendre rapidement le français facilite l’autonomie des personnes et fait gagner du temps pour l’intégration ultérieure.

Tisser des liens sur un pied d’égalité

Autre programme, JRS Jeunes permet à des jeunes demandeurs d’asiles ou réfugiés d’un côté, et des étudiants ou jeunes professionnels français de l’autre, de rencontrer et de tisser des liens autour d’activités communes qu’ils organisent sur un pied d’égalité. Chacun peut être participant ou animateur et tous sont ainsi acteurs d’un programme construit ensemble. En favorisant le “faire avec” plutôt que le “faire pour”, l’association donne la possibilité aux participants de reprendre confiance en eux et en la vie. “Le pari de la réciprocité est fait en prenant appui sur les capacités et talents de chacun”. Une démarche aux accents de synodalité.

Un accueil respectueux de la diversité des parcours

JRS France accueille toute personne qui frappe à sa porte, “dans le respect des convictions, religions et origines de chacun, en étant attentif et à l’écoute de ce que portent les personnes”, précise la chargée de communication Pauline Peigné. Face à la grande diversité qui en résulte, des cercles de spiritualité interreligieux, favorisant un dialogue respectueux, ont été mis en place et, chaque année, un groupe de jeunes Français et exilés de diverses confessions part pour une semaine au sein de la communauté œcuménique de Taizé.

Un engagement bénévole pour marcher “côte à côte”

Ce vendredi, les bureaux sont majoritairement occupés par des bénévoles de la permanence juridique. Ils épaulent les réfugiés dans leurs démarches administratives. Abdel, riche d’une expérience d’accueil aux USA, aide Mansoor à remplir son dossier de demande de logement à la Caisse d’allocations familiales. “Je suis Afghan, en France depuis 2011. Après un an de cours de français et d’accueil dans des familles, je fais maintenant une demande de regroupement familial pour ma femme qui vient d’arriver. J’aime la France. Au début, c’était difficile car, avec des amis, on dormait dans la rue. J’ai obtenu le statut de réfugié et je veux rester en France même si ce qu’on entend dans les médias sur les étrangers me fait un peu peur”. Dans la salle voisine, Jeanne, anciennement en service civique dans l’association et désormais bénévole, accompagne Nouri dans sa demande du statut d’auto-entrepreneur. Il souhaite être livreur et cherche des conseils pour s’enregistrer auprès de la chambre de commerce.

Marqués par le pape François dont ils apprécient l’engagement sur ces questions, Pauline comme Guillaume mentionnent l’encyclique Fratelli tutti (2020) sur son exigence de tenir ensemble l’harmonie des différences et l’ancrage des identités : “Marcher côte à côte, ‘tous frères’.” C’est là que l’activité de plaidoyer de JRS France, difficile dans le climat actuel, trouve tout son sens : promouvoir, sans naïveté, des changements structurels nés de l’expérience au plus près du terrain. Parmi les propositions figure l’accès, dès la demande d’asile, à des cours de français, à la formation professionnelle et au marché du travail. Pour Guillaume Rossignol, “le travail n’est pas uniquement un moyen de subsistance ou de production, c’est la source de dignité, le moyen de participer et de contribuer à la société d’accueil”. Sans compter que, “de façon très pragmatique, les entreprises peuvent retirer un grand bénéfice de l’embauche de réfugiés susceptibles d’apporter leurs talents, leurs expériences et leur résilience.”

 

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