Voici le livre d’un auteur que nous n’avons pas l’habitude de chroniquer. Régis Debray est bien loin de sa jeunesse gauchiste, lorsqu’il admirait et suivait Che Guevara… Il nous livre de courts textes sur des sujets très différents, des bribes où il « se donne des verges pour se faire batttre » regroupés par thème : Frances (au pluriel car pour l’auteur, cette réalité est multiple), mondes, politiques, philosophies, arts et littératures.
Celui qui n’est pas particulièrement littéraire pourra cependant lire avec grand plaisir ses réactions imagées, caustiques et pleines d’humour, où les mots s’entrechoquent, nous étourdissent parfois… Un exemple sur les informations à la télé : «~Voilà de la bonne propagande. Elle ne cherche à convaincre personne de rien, sinon que rien ne vaut la peine de s’y attarder. La défense de l’ordre établi se fait mieux par ce tohu bohu d’anecdotes (…). La crue de la Seine, un accouchement au bord de la route et une menace de grève occupent, chez nous, vingt-cinq minutes sur trente~». «~Comment attendre d’un adepte des réseaux sociaux éduqué à l’école à coups de QCM et de tableaux synchroniques un quelconque amour de son pays~» et pour un ex-maoïste « quatre-vingts ans de tueries et cent millions de morts (en Chine), pour en revenir au point de départ, le fric à la fête. Amère façon de boucler la boucle ».
Sur son parcours : « De quinze à trente-cinq ans j’ai guetté le grand renouveau, l’irréversible (…). J’attendais un changement de la face du monde (…) la bévue ne manque pas de comique ».
Les passages sur les philosophies, arts, et littératures montrent une très grande érudition, qui peuvent nous échapper, mais le verbe est le même et vous y trouverez aussi quelques perles à recueillir.
Bernard Chatelain
Un candide à sa fenêtre
Régis Debray, Gallimard 2015, 396 pages – 21 €