Les événements en France de ces mois de novembre et décembre ont certainement fait naître chez beaucoup d’entre nous cette question : comment pouvons-nous dialoguer et débattre en société quand se creuse un tel fossé en termes de conditions de vie, de niveau d’éducation et de préoccupations entre les citoyens et quand l’entre-soi des réseaux (virtuels ou physiques) nous conforte largement dans nos propres opinions ?
Les évêques de France ont lancé un appel aux catholiques de France et aux concitoyens le 11 décembre dernier, invitant les paroisses, les mouvements et associations de fidèles, très largement maillés sur les territoires à susciter ces espaces d’échange. Ils ont proposé une méthode avec cinq questions, points d’attention à partager. Une initiative que mettront peut-être en œuvre certaines de nos équipes (nous les invitons à nous partager les fruits de leur rencontre).
Mais voulons-nous vraiment ce débat avec ceux qui sont peut être très éloignés de nos idées ? Cette vie d’équipe vous propose de partager sur ce désir de dialogue qui habite notre être profond.
1er temps : Quelques questions pour engager notre réflexion
Est-ce que mes engagements professionnels, familiaux, amicaux ou associatifs me donnent l’occasion de côtoyer des personnes dont les conditions de vie sont très différentes des miennes ?
Quels types d’échanges ai-je avec eux ? Est-ce qu’il y a des sujets que je n’aborde jamais ?
Quels sont mes freins pour créer ces espaces de dialogue ?
Inversement, quels sont les choix que j’ai fait pour pouvoir créer ou participer à ces débats ? Qu’est-ce que cela m’apporte ?
2ème temps : Contemplons le combat de Jacob (Gen 32)
Pour éclairer notre échange, voici un texte de Geneviève Comeau, xavière, extrait de son livre Vivre sa foi dans une société sécularisée aux éditions Mediaspaul, page 83 :
« La blessure de la rencontre »[1], c’est celle que reçoit Jacob dans son combat avec l’ange, en Gen 32. (…). Dans toute rencontre vraie, nous recevons à la fois bénédiction et blessure. Ce serait une illusion que de rêver à des rencontres inoffensives, sans blessure. Ce serait là de pseudo-rencontres, sans joie ni bénédiction. Les rencontres véritables sont des bénédictions, mais elles peuvent, en même temps, nous faire souffrir : au minimum, elles nous font sortir de notre égoïsme, nous heurter à des points de vue et des sensibilités différentes des nôtres ; elles peuvent aussi nous faire vivre des incompréhensions douloureuses. Or aujourd’hui, il est possible, grâce à la société de consommation, de vivre des pseudo-relations sans risque de blessures : il suffit de faire ses courses par internet sans mettre le pied dehors, ni rencontrer personne. Les pseudo-relations sans risque sont celles qu’on peut effacer d’un clic de souris. »
Quel engagement ai-je envie de prendre avec mon équipe ou de ma propre initiative pour initier un dialogue, ne pas déserter un débat, choisir une activité qui me mêlera à des personnes éloignées de mes cercles habituels, prendre le risque de me laisser transformer par ces échanges ?
Claire Collignon, comité de rédaction
[1] D’après le titre du livre de Luigino Bruni, La blessure de la rencontre, l’économie au risque de la relation, Nouvelle Cité, 2014, dans lequel l’auteur réfléchit à la place de la gratuité dans l’économie.