C’est la pasteure du temple de la rue Grignan de Marseille, qui accueille la veillée intitulée « bouleversantes fragilités » dans le cadre du rassemblement de la famille ignatienne. Pour elle, il s’agit d’un clin « d’yeux » en ce 31 octobre jour anniversaire de la Réformation, lorsque Luther placarda ses thèses contre les indulgences à Wittemberg en 1517.
Comment réagissons-nous face à la rencontre de la fragilité de l’autre ? Couramment par des stratégies d’évitement, des stratégies explicatives sur la part de responsabilité, une stratégie de charité au risque de se positionner « en surplomb » dans la rencontre.
En quoi consiste la révélation chrétienne dans cette rencontre de la fragilité ? Elle réaffirme cette évidence : le mal produit du mal. En aucun cas, Dieu ne s’appuie sur le mal. « Dieu n’est pas venu expliquer la souffrance ; il est venu la remplir de sa présence » écrit Paul Claudel. Tant que subsiste la misère, la fraternité n’existe pas, explique de son côté Charles Péguy. Il s’agit de lutter contre l’exclusion. Quand Jésus envoie ses disciples, ce n’est pas pour parler, mais pour lutter contre le mal !
À chaque fois que de la fragilité et du mal jaillissent la vie et la joie, c’est un mystère, l’expérience inespérée et inexplicable de la Résurrection. Et elle n’est pas réservée à ceux qui croient au Christ mais à ceux qui sont disponibles à cette expérience pascale. Au commencement, il y a la rencontre. Elle est authentique si elle est gratuite, « en vis-à-vis », réciproque. Il s’agit bien alors d’accueillir ma part de fragilité. C’est l’expérience de la kénose (terme grec désignant la doctrine du dépouillement de Christ lors de son incarnation : vers Dieu, en descendant.)
Lors de cette soirée, un témoignage a été particulièrement marquant. Celui d’un membre de l’Arche ayant accompagné une jeune femme, Karine, qui avait développé des déficiences mentales à la suite de situations traumatisantes et multipliait les maladresses. Plus tard, sortant de cette spirale négative, elle est venue chercher sa « main ». À la fête organisée pour ses trente ans, les bénévoles de l’Arche ont eu la surprise de l’entendre chanter « Non, rien de rien, je ne regrette rien ». Une façon pour elle de leur dire « je suis une femme debout ». Ces personnes qui nous précèdent dans l’expérience de la grande fragilité, nous apprennent à vivre, à tomber et à nous relever.
« Attention, fragile ! » pourrions-nous revendiquer et ajouter « Haut-Bas », car c’est la position de l’homme, de la femme debout, celle du Ressuscité.
Emmanuel Deneuville, équipier à Dunkerque