Au Campus de la transition, un écosystème pour étudiants et jeunes pros en quête de sens
En Seine-et-Marne, le Campus de la Transition accueille depuis un an des étudiants et des jeunes diplômés venus réfléchir sur les enjeux du changement climatique et les modèles alternatifs de croissance. Ils y découvrent, en théorie et en pratique, la résilience nécessaire pour relever ce défi. Responsables est allé à leur rencontre.
Sciences-Po Paris, IEP de Lille, ESSEC, ICAM ou Mines… Pour la deuxième année, le Campus de la Transition reçoit durant quelques jours des groupes de jeunes envoyés par leur école, pour une session axée sur la thématique du climat. Au programme : des cours dispensés par des spécialistes de la question comme Gaël Giraud, directeur de recherche au CNRS, Alain Grandjean, économiste et président de la fondation Nicolas Hulot ou Christophe Goupil, physicien… Les étudiants dorment sur place, dans un cadre rustique, celui d’un ancien château du XVIIIe siècle situé en pleine campagne, en lisière du village de Forges en Seine-et-Marne. Ils doivent participer à la vie du lieu, en donnant un coup de main à la vaisselle, à la cuisine ou au jardin potager. « Le campus se veut être un lieu de formation, de recherche et d’expérimentation sur les enjeux de la transition écologique et sociale » explique Cécile Renouard, économiste et enseignante-chercheuse à l’origine du projet.
Répondre aux inquiétudes des jeunes
L’idée lui est venue après avoir constaté les interrogations croissantes des jeunes sur les questions écologiques et leurs frustrations face à des cursus universitaires ne prenant pas assez en compte les enjeux de la transition. « Lorsqu’ils arrivent, les étudiants ne savent pas forcément à quoi s’attendre ; ils découvrent des enseignements qu’ils n’ont pas l’habitude d’entendre, mais c’est surtout cette expérience de vie communautaire qui les touche, note Xavier de Bénazé, jésuite et agronome de formation, membre de l’équipe d’animation. Ils se retrouvent plongés dans un mode de vie sobre mais heureux. » Le Campus de la Transition propose également chaque année un T-Camp, une formation de deux mois ouverte à des étudiants volontaires : « L’idée est de les aider à poser un regard sur la situation, de leur donner des critères de discernements éthiques afin qu’ils aient une réflexion sur leur propre vie, et d’essayer de réfléchir avec eux aux enjeux de gouvernance partagée » précise Cécile Renouard. Des cours d’économie, sociologie, sciences ou philosophie mais aussi l’apprentissage de la permaculture leur permettent d’articuler savoirs et expérimentations.
Une quête de sens
Charlotte, 23 ans, étudiante en master d’économie à Toulouse, a profité d’une année de césure pour participer à la première session l’an dernier. Elle a été marquée par son passage à Forges : « L’expérience fut très forte, et si je ne sais pas encore ce que vais faire comme métier ; une chose est sûre, je ferai avant tout quelque chose que j’aime et en accord avec mes valeurs. » Un avis partagé par Inès, 25 ans, arrivée il y a un an comme bénévole après une formation d’ingénieure en environnement : « J’aurais pu faire du conseil en environnement dans une grande entreprise comme la majorité de mes camarades de promo à l’ENSTA et Agro-Paris Tech, mais j’avais peur du green-washing. Or je n’imagine pas être écolo, faire mes courses à la bio-coop et en même temps bosser pour une multinationale. Je recherchais cette cohérence à tous les niveaux, dans mon travail, dans ma manière de vivre et mes relations aux autres. » Quand on lui fait remarquer qu’elle aurait pu prétendre à un salaire confortable avec son niveau d’études, alors qu’elle est en service civique actuellement au Campus, elle rétorque : « Nous ne sommes plus la génération qui recherche la sécurité dans le travail et dans la vie, mais celle qui recherche le sens. »
Le salaire, plus le seul critère
C’est aussi ce qu’a ressenti Jean-Baptiste, 32 ans, aujourd’hui chargé de projet sur une étude autour des enjeux de mobilité bas carbonée et inclusive sur le territoire, financée par la fondation d’entreprise Michelin, et premier à avoir été salarié par le Campus. Après une formation d’ingénieur à l’INSA Rennes et un master sur l’économie des transports à l’université Lyon II, il a continué avec une thèse sur les questions d’émissions de gaz à effet de serre et intégré un laboratoire de recherche à la faculté de Turin. Devenu enseignant-chercheur, il a décidé de tout plaquer en septembre dernier : « J’en avais marre d’écrire des rapports que personne ne lisait, et je n’étais plus d’accord avec les orientations de mon laboratoire, axées sur le développement de la voiture autonome et le traçage des usagers. » S’interrogeant sur le sens de son travail, Jean-Baptiste découvre par hasard l’annonce du Campus pour cette mission, alliant recherche et actions concrètes sur le territoire. Présent à Forges depuis six mois, il est ravi d’avoir découvert ce lieu atypique, comme tous ceux qui passent par là. « Les jeunes recherchent de plus en plus un sens à leur travail, remarque Xavier de Bénazé. Mais ils questionnent également les entreprises qui les embauchent sur leur impact sociétal et leur engagement réel dans la lutte contre la crise écologique et sociale. Ils ne sont plus prêts à tout accepter. » Aux entreprises de s’adapter et de prendre en compte les enjeux de ce siècle si elles ne veulent pas, à terme, avoir des problèmes à recruter.
Gautier Demouveaux