Sommes-nous de « ces personnes qui ont choisi de ne pas penser, de ne pas élargir leur conscience au champ de perception d’autrui » ? Si tel est le cas, le livre de Cécile Renouard – religieuse de l’Assomption, enseignante à l’École des mines de Paris et au Centre Sèvres – risque bien de nous bousculer car seule une conception relationnelle du développement peut permettre de mobiliser les ressources éthiques et spirituelles pour refonder la vie économique et l’entreprise…
Critiques de l’optimisation fiscale menant à des circuits ubuesques, de la dégradation écologique, du clientélisme…ont poussé les entreprises à des efforts pour concilier compétition et engagement social et sociétal. Mais cette approche n’est pas à la hauteur des défis actuels et ne traite pas les causes (individualisme, pressions sur la productivité…). Pour chacun de nous, il s’agit de passer d’un « hédonisme éphémère et nocif à une sobriété solidaire et savoureuse ». Comme le précise Benoît XVI dans Caritas in veritate (n° 35), « les règles de justice doivent être respectées dès la mise en route du processus économique ». Reconnaître la dimension politique de l’entreprise et modifier la loi pour lui donner un projet compatible avec l’intérêt général, renforcer la responsabilité de ceux qui élaborent et mettent en œuvre les stratégies financières et fiscales et protéger leur indépendance sont autant d’instruments de leviers selon Cécile Renouard. Il faut aussi faire une cartographie précise des « parties prenantes » et « protéger, respecter et réparer » ; mener au développement humain, chacun devant pouvoir valoriser ses capacités notamment relationnelles (recevoir, agir, créer, dialoguer) et de groupe. Faire droit à la générosité, construire et célébrer le vivre ensemble et la joie de réaliser avec d’autres, que chacun puisse prendre part au labeur collectif de la communauté. L’approche par le « care » doit exprimer le pouvoir des faibles et la dimension du don devrait devenir centrale.
Last but not least, lançant un appel final pour s’engager et débattre là où chacun se trouve, elle évoque les multiples lieux possibles : « du collectif Roosevelt 2012 à la Fondation Nicolas Hulot, du Mouvement chrétien des cadres (MCC) au Comité contre la faim et pour le développement (CCFD)… ». Bien noté, merci pour cet encouragement Cécile Renouard !
Bernard Chatelain
Éthique et entreprise, Pourquoi les chrétiens ne peuvent pas se taire
Cécile Renouard, Éditions de l’Atelier 2013, 174 pages – 17 €
Pour ceux qui veulent aller plus loin :
« Quelle place pour l’éthique dans les entreprises ? », débat avec l’auteur le mardi 5 novembre au Centre Sèvres – entrée libre