Ce très court et très simple livre est un appel à un sursaut de l’Église catholique. L’auteur, le père Charles Delhez est jésuite, curé de Blocry près de Bruxelles, accompagnateur de nombreux groupes et mouvements, assumant donc pleinement sa position au sein de l’Église institution. Mais, dans un esprit de grande lucidité et sans outrance, il lance des pistes pour un renouvellement en profondeur des manières de faire et d’être de l’Église.
Le diagnostic sans concession n’est pas très nouveau, mais l’auteur prend soin de distinguer une crise religieuse profonde, dont les origines sont anciennes et celle qui touche l’Église elle-même qui est « en péril », cette Église qui, ainsi que le concile Vatican II l’a affirmé, rassemble clercs et laïcs, pour être le « peuple de Dieu ».
Le père Delhez part précisément du dernier concile qui a ouvert des fenêtres vers l’extérieur et qui a initié une nouvelle façon de vivre la communion en son sein. Mais il faut aller plus loin. Il fait des propositions précises sur trois points majeurs qui se touchent : le statut du prêtre, le cadre de la paroisse et la vie sacramentelle.
Le prêtre, même après le concile, reste une personne sacrée, en étant l’instrument du « sacrifice de la messe ». Si on veut dépasser un cléricalisme sous-jacent, l’auteur estime urgent de passer d’une logique sacrificielle à une logique fraternelle, en rappelant que, dans la première Église, c’est la fraction du pain qui réunissait la communauté. D’autres propositions sont avancées sur le choix des hommes appelés au sacerdoce.
La place centrale de la paroisse est appelée aussi à évoluer. Une vie de foi existe et doit être soutenue et reconnue en dehors du cadre paroissial, notamment dans les espaces où l’éloignement des prêtres rendra de plus en plus difficile une vie communautaire simplement centrée sur la paroisse et sur son prêtre. Ce n’est pas simplement une question d’organisation ; c’est une mutation profonde où les chrétiens doivent apprendre à vivre en étant « le petit reste ».
Le père Delhez propose enfin de revisiter le mot « sacrement ». En réaffirmant la spécificité des sacrements de l’Église par rapport à la sacramentalité de la vie, lorsque l’amour vrai y est présent, il souhaite aussi que la distinction ne soit pas « durcie ».
Autant de sujets sensibles, complexes. Le livre est une contribution à la réflexion de tous. Même s’il est ébranlé, le lecteur comprendra qu’on ne peut écarter trop vite ces questions dérangeantes, en particulier pour les pays de la vieille Europe.
Arnaud Laudenbach