« Ensemble, nous nous aidons à passer de la tête au cœur »
Depuis de nombreuses années Colette Raffoux est accompagnatrice spirituelle de la région Portes de France et membre d’une équipe dans le Val-de-Marne. La démarche d’Emmaüs a souvent été choisie comme fil conducteur de leurs réunions.
« Médecin, j’ai dirigé une équipe pluridisciplinaire, composée de médecins, ingénieurs et personnels administratifs. L’exigence d’engagement total, à long terme, au service des patients était bien accepté par certains personnels, d’autres la subissait sans y adhérer. J’ai souvent exposé, au cours des réunions, mes interrogations, mes doutes sur mon attitude vis-à-vis des uns et des autres. Cet exposé je l’ai toujours préparé bien à l’avance, en priant l’Esprit Saint. Comment expliquer en vérité, sans exercer « d’influence » sur les réactions possibles des équipiers. Les questions que me posaient les équipiers, avec amitié, exigence et bienveillance ont été souvent la source d’une meilleure connaissance de mes motivations et de celles de mes collaborateurs.
La lecture d’un texte de l’Évangile, soit en rapport avec la sujet proposé soit l’évangile du jour ont été pour moi un moment de respiration, pour écouter réellement comment les Paroles du Christ et celles des équipiers résonnaient en moi. En se posant, en se laissant interpeller, la Parole devient vivante, créatrice. L’échange des équipiers ayant vécu des situations semblables, avec des paroles vraies et exigeantes, m’ont souvent permis de discerner un chemin où le Christ me précède et me propose de Le suivre. « Aimez-vous les uns les autres » n’était pas une phrase vide de sens. Les paroles des équipiers passent de la tête au cœur, elles me nourrissent d’autant qu’elles sont repensées dans les prières des jours suivant la réunion.
Ces arrêts, ces respirations, ces échanges ont été à l’origine de bien des conversions. Ils m’ont permis d’analyser en équipe, des situations difficiles avec plus de sérénité et d’entendre l’appel du Christ qui semble me dire : avance au large, n’aie pas peur ».
[/Colette Raffoux, 75 ans, équipe Nogent 7,
accompagnatrice spirituelle de la région Portes de France/]
« Il m’arrive de conseiller, d’enseigner… de consoler certains des équipiers »
Sa place est singulière en équipe MCC : Karem Bustica est « l’accompagnateur », femme, laïque, et aux débuts de ce service, parmi les plus jeunes. Les responsables de l’époque l’avaient prévenue : « Cela risque d’être difficile pour toi, car les « JP » préfèrent être accompagnés par des prêtres. » Elle a mesuré les attentes et discerné sa réponse. Dix ans plus tard elle peut dire que le cheminement dans le mouvement l’a aidée essentiellement à habiter sa vocation de laïc.
« Au MCC, j’ai relevé l’estime de ma condition de laïc. Peu à peu, au fil de cet accompagnement, j’ai pris conscience que l’onction du baptême m’offre tout ce dont j’ai besoin pour intégrer complètement ce peuple de Dieu avec les prêtres, les diacres, les évêques et les consacrés. Les équipiers me rendent témoin de la puissance de cette onction lorsqu’ils réfléchissent et posent des choix au nom de leur attachement au Christ. Avec eux, dans ce compagnonnage de foi, je suis passée du simple « engagement d’accompagnatrice MCC » à une réelle vocation baptismale.
Pour moi, accompagner une équipe recouvre certaines des œuvres de miséricorde spirituelles. Il m’arrive de conseiller, d’enseigner et d’aider au discernement, parfois même de consoler certains des équipiers. En ce sens, avec le temps, mon accompagnement MCC est devenu un véritable ministère. Non pas comme un pouvoir réservé à une élite… mais comme un appel vécu au sein d’un mouvement d’Église et en lien étroit avec celle-ci, fréquentant la Parole de Dieu, m’engageant au service des pauvres, annonçant du mieux que je peux la résurrection du Seigneur.
Mon immersion dans la vie sociale, le travail et l’entreprise, me met en première ligne pour entendre l’Esprit de Dieu vivant dans ce monde et le cri de mes contemporains. Être laïque est un privilège et en même temps un défi. Le cheminement en équipe me rend attentive à la façon dont l’Esprit conduit chacun des équipiers, dans leur histoire singulière, à vivre pleinement leur vocation baptismale pour eux et donc aussi pour le monde ».
[/Karem Bustica, 50 ans, équipe Chapo2roues-Paris/]
« J’utilise les lunettes de la spiritualité pour lire notre vie »
Au sein de son équipe savoyarde, François Vivant remarque que les équipiers ont des approches très diverses de la spiritualité, liées à l’âge et aux origines culturelles. Pour certains, la spiritualité imprègne presque en permanence les évènements de leur vie ; pour d’autres, c’est une intuition assez vague qu’il y a par là quelque chose d’intéressant.
« Ces différences sont une richesse mais aussi une difficulté pour nos échanges. Progressivement, nous avons construit deux approches pragmatiques pour partager en vérité malgré nos différences.
D’une part, la construction des questionnaires de nos réunions d’équipe comporte les 3 temps de la démarche ignacienne chère au MCC (Voir en conversant, discerner avec le Christ, agir d’un cœur transformé). Nous introduisons souvent le 2ème point par un texte adapté au thème et nous faisons un moment de silence après l’avoir lu. Ce silence permet ensuite à chacun de s’exprimer en vérité dans les échanges qui suivent : ceux qui sont plus imprégnés de spiritualité enrichissent l’équipe des références qu’ils apportent ; ceux qui en sont plus éloignés apportent souvent un enracinement dans le réel de la vie au texte que nous avons partagé. Et notre accompagnateur spirituel ajoute fort bien à cela un lien avec le temps liturgique ou avec ses préoccupations pastorales du moment.
D’autre part, nous nous accordons un week-end spirituel par an, le plus souvent organisé au niveau du secteur. Environ la moitié des membres y viennent ; plutôt ceux pour qui la dimension spirituelle est plus importante. Ces deux dernières années, ces WE ont ciblé quelques aspects de Laudato si auxquels nous avons confronté nos pratiques professionnelles et personnelles.
Il me semble que ce fonctionnement atténue la séparation qu’on observe parfois entre la spiritualité, considéré comme un temps fort, et la vie courante, plus triviale. On s’approche d’une véritable vie spirituelle, en somme ».
[/François Vivant, 68 ans, équipe Chartreuse-Chambéry /]
« Cocooner ? Non ! Je rencontre plus vaste que moi »
C’est à la suite d’un week-end Jeunes professionnels que Chantal Degiovanni a rejoint son équipe MCC, dans les années 1980. Baptisée JPX en son origine – personne ne sait plus très bien pourquoi – celle-ci pélerine depuis plus de 30 ans, avec au fil du temps quelques départs ou arrivées.
« Huit à dix personnes très différentes, que je n’ai pas choisies, mon mari excepté ; que je ne rencontre guère – sauf grandes occasions – hors du cadre du Mouvement. Et devant qui, pourtant, je porte tout naturellement la plupart des questions ou décisions qui me tiennent à cœur : changement d’orientation professionnelle ; joies ou difficultés dans l’éducation des enfants hier, dans l’accompagnement des parents aujourd’hui ; acceptation ou refus d’un engagement associatif… Pourquoi ? Qu’est-ce donc qui nous réunit et nous anime, qui donne sens à nos échanges et leur permet de porter du fruit dans nos vies, dans ma vie ?
D’abord, le désir partagé – trésor commun des membres du Mouvement – d’unifier nos vies. La réunion est, chaque mois, une piqûre de rappel et l’équipe le lieu privilégié où chercher, ensemble, comment inscrire ce désir dans l’épaisseur du réel.
Ensuite, l’esprit d’ouverture. Quand bien même nous avons tissé dans l’équipe des amitiés précieuses, je n’y viens pas pour me cocooner. Non pas choisie mais reçue du Mouvement, elle me renvoie à plus vaste qu’elle-même. L’écoute attentive et respectueuse des membres m’ouvre un espace de parole libre, sans jugement : je peux me risquer à exposer ma question au regard des autres, à leur réflexion, leur expérience. À leur prière aussi, ancrée dans la Parole. Déposer ma difficulté (ma décision…) devant l’équipe est pour moi une manière particulière de la remettre à Dieu, de m’inscrire dans la confiance, de lâcher prise – même si, bien sûr, personne ne décidera à ma place.
De même, l’appel que m’adresse en retour le MCC d’accueillir avec bienveillance la parole de l’autre – avec son approche personnelle, professionnelle ou spirituelle propre, qui parfois m’interroge ou me bouscule – est pour moi un chemin d’ouverture. »
[/Chantal Degiovanni, 57 ans, équipe JPX,
ancienne responsable nationale avec son mari Patrick /]