Depuis 2002, les Entretiens de Valpré s’attachent à questionner l’économie, l’entreprise et la société, à mettre à portée des cadres et des chefs d’entreprise les propositions de l’Église catholique, pour les aider à conduire leur barque. Cette manifestation est organisée par la congrégation des Augustins de l’Assomption.
Les 14e Entretiens se sont ouverts par une table ronde sur « un an d’enseignement social des Églises » avec Dominique Coatanea, enseignante en théologie à Lyon et Angers, et Mathias Nebel, directeur de la fondation Caritas in Veritate. L’événement en la matière, c’est bien évidemment l’abondante production autour de l’écologie, avec en point d’orgue, l’encyclique du pape François.
Dans le chapitre 3 intitulé « la racine humaine de la crise écologique », le pape propose une réflexion sur le rôle de la technique. Il observe combien celle-ci, fruit de la créativité humaine, a permis un accroissement de puissance sur nous-mêmes et sur la nature. Mais il déplore que la conscience humaine n’ait pas grandi à la mesure de ce pouvoir, de sorte que l’homme se retrouve dominé par ce qu’il a lui-même inventé : même s’il en sait la dangerosité, tôt ou tard, il l’utilisera. Mettez entre ses mains une arme, bientôt il ne pourra faire autrement que s’en servir… poussé inconsciemment par son désir de puissance, ou par les forces de l’économie. C’est pour cette raison, a souligné Matthias Nebel, que François, lors de son discours au Congrès américain le 24 septembre dernier, en a appelé à « mettre fin au commerce des armes », là où ses prédécesseurs parlaient en termes de désarmement.
Laudato si’ peut ainsi être lu comme une invitation à réactiver le questionnement éthique dans tous les choix techniques que nous posons. Ceci vaut notamment au niveau de l’entreprise, où les questions éthiques peuvent être facilement balayées par des considérations d’efficacité ou de rentabilité à court terme. Mais, et c’est une leçon essentielle à tirer de l’encyclique, le monde de l’entreprise ne peut les affronter seul : ce n’est que dans la confrontation et le dialogue avec d’autres conceptions du monde, qu’il pourra y faire face. Selon les mots de Dominique Coatanea, la première urgence pour traverser ce temps de crise écologique est « d’être cocréateurs avec d’autres du questionnement », sachant bien que la qualité des questions détermine déjà celle des réponses.
P. Dominique Greiner, rédacteur en chef de la Croix,
modérateur de la table ronde