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Pour le philosophe et sociologue allemand, invité du MCC lors d’une soirée débat au centre Sèvres le 27 septembre, si le problème de notre modernité tardive est l’accélération progressive de nos modes de vie, la solution n’est pas la décélération mais la résonance.
Il illustre sa thèse en comparant deux femmes dans la fleur de l’âge : Anna accueille avec joie ses enfants au petit-déjeuner, est contente de retrouver ses collègues au travail et de finir sa journée au gymnase ; Hannah se plaint de ses enfants, de son boulot et se demande pourquoi elle va au gymnase. Anna résonne avec sa vie familiale, professionnelle et sportive, alors que Hannah est ‘aliénée’ au sens étymologique, ‘sans lien’. Pour Rosa, « la résonance est une forme de relations au monde associant affection et émotion, intérêts propres et sentiment d’efficacité personnelle, dans laquelle le sujet est le monde se transforment mutuellement ». L’aliénation désigne au contraire « une forme de relations au monde dans laquelle le sujet et le monde sont indifférents, hostiles, ou simplement déconnectés ».
Fort de ces deux concepts, Rosa relit l’histoire de la modernité, à la fois comme celle d’une sensibilité accrue et d’une ‘catastrophe’ de la résonance. L’évolution du travail, par exemple, peut être relue comme une réification progressive des procédures qui peut conduire les travailleurs jusqu’au burn-out, aussi bien que celle d’une personnification et autonomisation qui leur permet de ‘réenchanter leur travail’. En sociologue, Rosa recherche les conditions sociales de la réussite ou de l’échec des relations au monde. Quand les sphères politiques, économiques, culturelles réduisent au silence les axe de résonance au nom d’une même stratégie de croissance infinie, la modernité n’arrive plus à accoucher de projets mobilisateurs. Mais là où la politique élabore collectivement du commun et où l’économie est au service de tous, le potentiel toujours excédentaire de la résonance peut se déployer et affronter sereinement les limites physiques et humaines de la planète.
Bertrand Hériard