Le revenu national est considéré souvent comme indicateur du bien-être de la population d’un pays ; mais le bien-être subjectif ressenti par les individus est loin de correspondre à ce seul indicateur. Claudia Senik, professeur à la Sorbonne et à l’École d’économie de Paris nous aide à réfléchir sur le niveau de ce bonheur déclaré lors des enquêtes auprès des populations : la richesse et la croissance rendent-ils réellement les gens plus heureux ? Faut-il miser sur la décroissance pour accroître le bonheur ?


Sans surprise, le bonheur déclaré décroît avec l’âge puis remonte au-delà de 45 ans. Vivre avec quelqu’un, pratiquer une religion, avoir des relations sociales accroit le bonheur, et les riches se déclarent plus heureux que les pauvres. Mais les Trente glorieuses n’ont pas augmenté le bonheur moyen, ce qui met en cause le modèle d’organisation sociale, même si la transition d’un pays vers plus de richesse a un effet positif. L’homme évalue le bonheur en fonction de variations et non de niveau, il se compare avec ses pairs ou ses parents, à son groupe de référence, il adapte ses ambitions et renonce souvent à être plus heureux… Il anticipe son avenir et attend une progression, il retire une satisfaction du simple enrichissement d’autrui s’il est signe d’une future amélioration de son sort…

La décroissance est-elle une solution ? Il faudrait qu’elle appauvrisse également chacun, qu’on accepte de modifier habitudes et normes de référence. Raisonner en termes de BNB (bonheur national brut comprenant la sauvegarde de l’environnement, l’éducation, la qualité de la gouvernance…) au lieu du seul PIB permettrait de mieux prendre la mesure de ce bonheur…

Le dernier chapitre du livre de Claudia Senik est consacré au « déficit de bonheur français » : avec un Indice de développement humain (revenu, espérance de vie, éducation) comparable, les autres pays atteignent un niveau bien supérieur à la France. Cela vient-il d’un excès de références au passé glorieux et à son déclin continu depuis les années 70 ?

Bernard Chatelain

L’économie du bonheur

Claudia Senik, Seuil 2014, 126 p. – 11,80 €