Dans cette transcription des réflexions du cardinal Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, faites au collège des Bernardins aux membres de l’Académie catholique de France, et des réponses d’intellectuels catholiques, trois leçons des catastrophes du XX° siècle sont tirées.
Elles sont en lien avec la question fondamentale de la laïcité : il faut sans cesse respecter l’égalité et la dignité de l’homme ; si on foule aux pieds Dieu, les droits de l’homme sont systématiquement blessés ; la justice sociale impose que tous les hommes puissent accéder aux biens de la terre. En Allemagne, on a tiré les leçons des deux dictatures ennemies de l’homme qui voulaient imposer une toute puissance de l’Etat. Maintenant Églises et État partagent et coopèrent dans le but du Bien commun, et surmontent le combat dommageable entre cléricalisme et laïcisme. Cessons donc les funestes guerres idéologiques du passé afin de venir à bout des défis du présent et du futur. À l’Église d’offrir sa coopération dans un dialogue ouvert, rappelant que l’homme ne doit jamais devenir un moyen pour une fin… Nous, chrétiens, nous attendons de l’État qu’il reconnaisse les droits de l’homme et non qu’il s’oriente d’après les doctrines de la foi.
Oscillant entre neutralité et neutralisation des religions, la laïcité à la française telle que décrite par les autres intervenants est lumineuse car inspiratrice d’un cadre pratique à la résolution des conflits. Ténébreuse aussi car déclarant le régime politique seul en mesure de régler la totalité de l’existence sociale. La loi de 1905 voulait diminuer la puissance sociale de l’Église autant que permettre aux jeunes de suivre un parcours d’éducation libre de toute influence catholique. Aujourd’hui, cette loi fournit un cadre pour la coexistence dans une société vide de tout signe religieux, où le Bien commun ne vaut plus contre mon désir. Le Cardinal affirme que le politique a besoin du religieux pour construire un accord civique : tous deux sont des alliés objectifs contre l’individualisme…
Alors pouvons-nous faire nôtres les paroles du philosophe Maurice Blondel : « l’important n’est pas de parler pour les âmes qui croient mais de dire quelque chose qui compte pour les esprits qui ne croient pas ».
Bernard Chatelain
Laïcité et christianisme
Cardinal G. Müller, Parole et Silence 2015, 90 pages – 10 €