Qu’est-ce que le Carême ? Un temps de détachement, de renoncement … mais en vue de quoi ? Ne risquons-nous pas de parvenir au seuil de Pâques avec beaucoup de culpabilité sans avoir mis en œuvre quoi que ce soit ?
Tout au long de ce Carême, la liturgie nous invite à ouvrir l’oreille pour entrer davantage dans l’intelligence du mystère de la passion-résurrection du Christ. Plus que de bonnes intentions qui risquent de nous tourner vers nous-même, pourquoi ne pas tourner notre regard vers Abraham, apprendre de lui ce qu’il a appris du Seigneur ? Abraham est passé par une épreuve. Pour connaître le vrai visage de son Seigneur, il lui fallait renoncer à un dieu qui demanderait le sacrifice du fils Unique, du fils de la promesse.
La représentation d’un tel dieu a volé en éclats, pour conduire au Dieu qui n’a qu’une Parole : le Fils Bien Aimé du Père. Le Père a élu, attesté Jésus comme « Fils Bien Aimé » lors du baptême : « Tu es mon Fils Bien Aimé, tu es toute ma joie ! ». Sur le Thabor, il reprend cette parole « Celui-ci est mon Fils Bien Aimé, écoutez-le ! » Les disciples, et nous aujourd’hui, nous entendons cette parole non comme un récit ancien qui nous serait extérieur, mais comme une promesse, comme l’unique chemin pour celui, pour celle qui se tient au plus près du Seigneur car pour entendre, il faut s’approcher.
Jésus, sur le Thabor, fait vivre aux trois disciples l’expérience d’un dévoilement : Jésus est transfiguré devant eux. Il se donne à voir tel qu’il est : lumière du monde. Le voile de l’humanité de Jésus qui cache pour une part la divinité du Fils s’efface pour leur donner de contempler le Christ de Pâques. Cette lumière, plus forte que la ténèbre, vient consoler, conforter les disciples. Cette expérience sera pour eux fondatrice au temps de la passion et de la mort du Christ. De même qu’Abraham reçoit la promesse de vie au cœur de la nuit étoilée, Jésus au cœur des ténèbres épaisses de sa Passion-Résurrection témoigne en sa personne : la lumière brille dans les ténèbres, les ténèbres ne l’ont pas arrêtée.
C’est peut-être cela le chemin du Carême : se tenir au plus près du Seigneur pour l’écouter, apprendre de lui, le connaître intérieurement, afin de traverser avec Lui les épreuves et les errances de nos vies, les épreuves et les errances de notre monde. En étant au plus près, alors nous trouverons des chemins de vérité, de joie, de vie et nous pourrons entrer plus avant dans le respect de la Création qui est clameur de la terre et clameur des pauvres. Cette écoute du Fils Bien Aimé du Père sera la source de nos engagements, la source qui ira désaltérer ceux qui ont faim et soif de justice. Ce labeur ne se fera pas sans nous mais nous n’en sommes pas la source.
Anne Da, xavière
Aumônier national adjoint