Comment se forment les fortunes ? Pourquoi le capital survit-il aux crises économiques ? La réponse est dans le droit, écrit Katarina Pistor. Depuis 15 ans, cette professeure de droit comparé à l’université de Columbia travaille sur l’impact du droit sur le capitalisme et la finance mondiale. Dans ce livre, elle cherche à répondre à ces deux questions.

Le livre suggère une très longue épopée dont les principaux acteurs sont les propriétaires d’actifs, leurs avocats et les États. Viennent ensuite les banquiers, les créanciers, les investisseurs, et plus loin les juges, de plus en plus supplantés par les arbitres privés pour régler les conflits dans les affaires.

Cette épopée va de la guerre menée en Angleterre par les propriétaires fonciers pour faire reconnaître leur droit à l’enclosure, jusqu’à la mainmise sur le vivant par le jeu des brevets et à la crise financière de 2008.

À chaque étape, le champ des actifs s’est élargi, terres, parts de société, créances diverses, produits dérivés de plus en plus sophistiqués, brevets sur les techniques, puis sur le vivant lui-même, avec pour leurs détenteurs des perspectives de gains. Mais cela n’a pu se faire que par des batailles menées par les avocats pour faire évoluer le code juridique : leur but est de faire reconnaître le droit de propriété sur ces actifs et de les protéger par des montages protecteurs. À chaque fois, ils ont su convaincre les États que la liberté d’investir dans des domaines nouveaux était aussi leur intérêt, même si c’était aussi aux dépens de l’équilibre social.

Katharina Pistor s’interroge sur les limites à mettre à ce « droit à avoir des droits » … à la propriété, depuis longtemps quasiment sacré, alors que d’autres droits reconnus par la loi sont vus comme subalternes. Elle esquisse quelques pistes que des États courageux pourraient prendre, en redonnant sur le codage juridique un contrôle politique.

Arnaud Laudenbach

 

Le Code du capital – Comment la loi fabrique la richesse capitaliste et les inégalités, Katharina Pistor, Seuil, Sciences humaines, 2023, 384 pages, 24,50 €.