Le Parti communiste chinois a récemment annoncé un assouplissement de la loi de l’enfant unique et l’abolition du « laojiao » (les « camps de rééducation par le travail » où l’on peut être envoyé sur simple décision administrative). Il s’est bien gardé de toucher à un système bien plus explosif : le « hukou », permis de résidence de tout Chinois. En 2010, treize journaux cosignaient un éditorial appelant à l’élimination du hukou. Dans les heures qui suivaient, la censure supprimait ce texte de l’internet chinois, preuve du tabou officiel sur le sujet.


Le hukou est le permis de résidence qui détermine la ville où un Chinois a des droits administratifs, ville qui est à la naissance celle de l’un de ses parents. C’est là et uniquement là qu’il a droit à l’éducation, à passer des examens scolaires, à la santé, à se marier, à obtenir un document d’identité. Il peut travailler ailleurs, mais il est très difficile d’obtenir le hukou des villes mieux cotées, que leurs administrations délivrent au compte-gouttes. Les centaines de millions de travailleurs migrants qui triment dans les usines de la côte ont un statut guère plus enviable que celui de sans-papiers en France. Leurs enfants sont scolarisés soit dans des écoles clandestines de la grande ville, soit dans des écoles médiocres de la ville de leurs grands-parents, auquel cas ils ne voient leurs parents qu’une fois par an, au nouvel an chinois. Pékin ferme des écoles alors que sa population s’accroît : on estime que le tiers de sa population n’a pas le hukou de la capitale, et n’existe donc pas aux yeux de l’administration. Épouser un conjoint ayant un hukou d’une ville de rang supérieur, c’est monter dans l’échelle sociale, ce qui va de pair avec un mépris pour qui a un hukou « inférieur ».

Laurent Lugand