Personne ne se faisait beaucoup d’illusions sur la possibilité que ce pacte change quelque chose : comme le rejet des quotas de répartition entre pays de l’Union européenne l’avait montré en 2016, on ne peut pas obliger des populations à accueillir des réfugiés si elles ne le veulent pas. Mais on peut s’étonner que des pays comme la Pologne et l’Autriche, à forte tradition catholique, soient au premier rang du refus. Il serait utile pour eux de lire l’encyclique Fratelli tutti que vient de publier le pape François. Comme pour Laudato si’, ce pape prophétique s’adresse à toute l’humanité. Car ses invitations au respect de la Création, et, pour Fratelli tutti, à la nécessité de promouvoir une véritable fraternité humaine au-delà des frontières, des races et des religions, ont une portée universelle.
Ainsi va l’Europe. Elle prétend unir des nations sous la bannière de valeurs communes : démocratie, droits de l’homme, libertés de circuler, d’entreprendre, de penser, de croire etc. Mais elle les réserve à ceux qui ont eu la chance de naître sur son territoire. Les autres peuvent rester chez eux, même si la vie y est devenue impossible. Comment pouvons-nous refuser l’asile à ces gens qui aspirent seulement à vivre en paix et décemment ? La formule de Michel Rocard « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » est malheureusement trop souvent mise en avant pour justifier l’égoïsme et la peur de l’autre.
L’Histoire sera très critique envers notre époque, son égoïsme, son repli sur soi, sa xénophobie, son aveuglement, sa lâcheté. Ce ne sont pas les chefs d’État qu’il faut critiquer, mais bien les peuples eux-mêmes, qui soutiennent ces leaders populistes ou ne font rien pour les combattre. Mais de même que les États frileux qui ont fait capoter la conférence d’Evian en 1938 censée venir en aide aux réfugiés juifs allemands et autrichiens fuyant le nazisme, sont les complices indirects de la Shoah, de même les populistes, les nationalistes, les xénophobes, les apeurés, et ceux qui aujourd’hui refusent de combattre leurs idées délétères, se font les complices des despotes qui nous préparent un monde inhumain et dangereux. Nous ne triompherons des visées impérialistes de Xi Jinping ou d’Erdogan qu’en réaffirmant nos valeurs humanistes et en faisant de l’Europe un havre de paix largement accueillant à tous les « damnés de la terre ». Comme le répète inlassablement François depuis six ans, la fraternité active est le pendant du respect de la Création que prône Laudato si’. C’est aussi la seule voie qui nous permettra de sortir de cette spirale d’inhumanité dans laquelle le monde est entraîné.
Claude Bardot, équipier dans les Hauts-de-Seine, secrétaire général de la section des Hauts-de-Seine du Mouvement européen
Pacte sur la migration et l’asile de la Commission européenne du 23 septembre 2020