Qu’est-ce que l’écologie politique, et pourquoi, alors qu’elle se structure depuis les années 70, peine-t-elle à s’affirmer encore aujourd’hui dans le paysage politique français, malgré l’urgence à agir ? C’est cette contradiction que Bruno Villalba, enseignant-chercheur en sciences politiques, interroge dans cet ouvrage. Les pistes d’explications qu’il ouvre sont :
- Un récit idéologique hétérogène : malgré son originalité théorique permanente (conception éco-centriste, décentralisation politique et conviction des limites naturelles à la croissance), la pensée à l’origine de la politique écologiste est en fait fragmentée. Les influences sont nombreuses et hétérogènes, ce qui l’oblige à réaliser un renouvellement permanent de son récit idéologique pour arriver à construire un discours politique.
- Des difficultés internes pour identifier un adversaire commun et se construire comme acteur politique autonome.
- Des rapports ambigus avec le politique : défiance envers le système politique traditionnel et l’affirmation d’une différence, valeurs et pratiques militantes, mais en même temps recherche d’une efficacité électorale et de stratégies opportunistes individuelles.
- La nécessité de faire des compromis entre leur récit de la “politique autrement” (démocratie à la base, reconnaissance de l’autre et empathie, mécanismes participatifs, égalité des droits …) et s’adapter aux règles du jeu politique.
- Des fluctuations électorales fortes depuis 1984 à cause des hésitations stratégiques et doctrinales des partis, la rotation des adhérents, les divisions internes, les ambitions personnelles, le manque de stabilité organisationnelle et d’unité entre courants, une offre politique des écologistes pas toujours en phase avec les motivations des électeurs (concurrence avec d’autres enjeux de société, réchauffement invisible et lointain, dissonances cognitives, technologie comme solution…).
- Malgré cela, des perspectives pour l’écologie politique : construire une nouvelle politique face à l’anthropocène, aux nouvelles propositions (décroissance, collapsologie, écoféminisme…) et aux expérimentations radicales (communautés, ZAD…), qui résonne avec son héritage militant mais remet aussi en cause le modèle institutionnel avec lequel composent et négocient les politiques écologistes.
Voilà un texte incontournable et très accessible pour mieux comprendre l’écologie dans le paysage politique français.
Stéphanie Talevis, en équipe JP à Paris
L’écologie politique en France, Bruno Villalba, La Découverte, 2022, 127 p., 10 €