Anne-Florence Quintin
Déléguée générale de l’Observatoire des cadres et du management
Anne-Florence Quintin
Déléguée générale de l’Observatoire des cadres et du management
point de vue
L’IA, ne pas abandonner les compétences de responsabilité
Big data inquiète ou enthousiasme. Big data interroge l’identité des cadres des entreprises, experts ou managers, tant ils sentent que ces algorithmes pourraient leur disputer leur place. Le cadre, bientôt outsider de « Big data » ? Tout dépend de l’idée que l’on se fait du rôle du cadre, des compétences utiles, et de sa responsabilité au travail.
Sa fonction a toujours à voir avec de la manipulation de données : les tableaux de bords rythment le travail des cadres, qui n’en sont pas dupes, mais ils restent un outil d’aide à la décision. Nouveauté : cette donnée se combine à de la donnée non structurée : en analysant les échanges de mails, la machine peut déduire un organigramme réel à partir des interactions entre les salariés. En pratique, les salariés laissent des traces de leurs activités réelles, des collaborations subjectives qu’ils nouent au-delà « des groupes projets » stabilisés, de tous ces ajustements créatifs nécessaires pour « bien faire» son travail.
Accumuler des informations au point d’être en mesure de tracer l’activité réelle, de la prédire, et de combiner des scénarios à l’infini, est-ce vraiment la fiche de poste d’un super organisateur du travail ? La machine apprend seule et développe une performance infinie, pas nous : c’est acté.
Le Big data a fait son entrée avec fracas dans le monde du travail. A chacun sa fonction : à lui de prédire à l’infini ; au cadre manager ou expert d’interpréter – ce qui demande un effort professionnel d’attention aux situations de travail – , et d’arbitrer parfois entre des usages souhaitables. Jamais la machine ne disputera aux salariés leurs compétences de responsabilité. Ils sont irremplaçables, et ils peuvent s’appuyer sur les machines pour prendre des risques.