Observateur attentif de la vie politique américaine, ancien dirigeant de médias (TF1, Ouest France, Télérama) et auteur de nombreux ouvrages, Antoine de Tarlé décrypte pour le MCC les enjeux et incertitudes entourant le vote catholique, à l’approche du scrutin.
L’élection présidentielle américaine du 3 novembre prochain constitue un évènement d’une importance majeure non seulement pour les États-Unis mais plus particulièrement pour l’Europe. Les choix internationaux de l’hôte de la Maison Blanche seront très différents si c’est Trump qui est reconduit, compte tenu de son hostilité viscérale à l’Union européenne ou si c’est Biden, soucieux de renouer avec ses alliés traditionnels.
Ce qu’on perçoit moins en France c’est le rôle inhabituel du vote catholique dans cette élection. Pour la première fois, depuis des décennies les commentateurs d’outre-Atlantique s’interrogent sur les intentions d’une communauté qui représente près d’un quart du corps électoral.
Cet état de choses résulte de plusieurs facteurs qui n’étaient pas présents lors des précédentes échéances électorales. Tout d’abord, Biden le candidat démocrate affiche ouvertement sa foi et depuis l’élection de Kennedy en 1960, il est le catholique qui a le plus de chance d’accéder à la Maison Blanche. Par ailleurs, le débat des semaines précédant le scrutin va être dominé par la nomination par Trump d’un juge ultra conservateur à la Cour Suprême. Or celle-ci, Mme Barrett est catholique. Désormais, six juges sur neuf de cette puissante institution appartiennent à cette religion, une situation qui aurait été impensable, il y a un demi-siècle dans ce pays de culture protestante.
Enfin les politiques reconnaissent désormais l’importance du vote hispanique, les migrants venus d’Amérique latine, qui représentent 13 % de la population et ont dépassé la minorité afro-américaine. Les Hispaniques jouent un rôle décisif dans des États clé comme le Texas ou la Floride, et sont en majorité catholiques.
Il est cependant malaisé de mesurer précisément l’influence de la communauté catholique, tant celle-ci est divisée. Les sondages indiquent qu’elle vote plutôt républicain : 52 % contre 48 pour les démocrates. Les hispaniques penchent en faveur de Biden avec environ 60 % d’opinions favorables mais une forte minorité soutient Trump en raison de ses positions contre le droit à l’avortement et de son hostilité au « socialisme » des démocrates.
Le jour du scrutin les électeurs catholiques seront vraisemblablement tiraillés entre deux mouvements contradictoires. Leur fierté d’avoir pour la première fois depuis longtemps un candidat crédible à la présidence peut les inciter à voter pour Biden. En revanche, beaucoup d’entre eux suivront les injonctions de la Conférence épiscopale farouchement hostile au droit à l’avortement et sauront gré à Trump d’avoir renforcé par la nomination de Mme Barrett la majorité conservatrice de la Cour Suprême qui pourrait prochainement décider de supprimer ce droit.
Antoine de Tarlé
Trump, le mensonge au pouvoir, Antoine de Tarlé, Éditions de L’Atelier, 2020, 132 p., 13 €