Apprends-moi, Seigneur, à bien user du temps que tu me donnes pour travailler, à bien
l’employer sans rien en perdre.
Apprends-moi à tirer profit des erreurs passées sans tomber dans le scrupule qui ronge.
Apprends-moi à prévoir le plan sans me tourmenter, à imaginer l’œuvre sans me désoler
si elle jaillit autrement.
Apprends-moi à unir la hâte et la lenteur, la sérénité et la ferveur, le zèle et la paix.
Aide-moi au départ de l’ouvrage, là où je suis le plus faible.
Aide-moi au cœur du labeur à tenir serré le fil de l’attention.
Et surtout comble Toi-même les vides de mon œuvre, Seigneur !
Dans tout le labeur de mes mains laisse une grâce de Toi pour parler aux autres et un
défaut de moi pour me parler à moi-même.
Garde en moi l’espérance de la perfection, sans quoi je perdrais cœur. Garde-moi dans
l’impuissance de la perfection, sans quoi je me perdrais d’orgueil.
Purifie mon regard : quand je fais mal, il n’est pas sûr que ce soit mal, et quand je fais
bien, il n’est pas sûr que ce soit bien.
Seigneur, ne me laisse jamais oublier que tout savoir est vain sauf là où il y a du travail,
et que tout travail est vide sauf là où il y a amour, et que tout amour est creux qui ne me
lie à moi-même et aux autres et à Toi, Seigneur !
Enseigne-moi à prier avec mes mains, mes bras et toutes mes forces.
Rappelle-moi que l’ouvrage de mes mains t’appartient et qu’il m’appartient de te le rendre
en le donnant ; que si je le fais par goût du profit, comme un fruit oublié je pourrirai à
l’automne ; que si je le fais pour plaire aux autres comme la fleur de l’herbe je fanerai au
soir ; mais si je le fais pour l’amour du bien, je demeurerai dans le bien ; et le temps de
faire bien et à ta gloire, c’est tout de suite, Amen !