Plus qu’une paresse passagère qui peut nous conduire à un dégoût de l’action, ou nous rendre oisif, l’acédie touche notre relation à Dieu. Ce terme, apparu chez les pères du désert au IIIème siècle désignait la « maladie des ermites » se traduisant par un mal étrange : laisser aller, angoisse oppressante, sentiment d’instabilité, de dégoût et d’ennui, tout ceci entraînant une négligence des devoirs envers eux-mêmes et envers Dieu.
L’acédie se situe à la frontière du charnel et du spirituel. En effet, aussi connue sous le nom de « démon de midi », elle attaquait le moine entre 10h et 14h, lorsque le soleil était au zénith, à un moment où le temps semblait ne plus avancer et où la faim se faisait sentir. Le corps était alors dans une sorte de faiblesse physique dont le démon profitait pour attaquer la spiritualité, provoquant alors deux choses : la sensation d’être à l’étroit et la difficulté à persévérer.
Progressivement, l’acédie a été étendue au monde laïc et peut s’apparenter aujourd’hui à la mélancolie ou tristesse. Elle touche donc toutes les dimensions : temporelle (l’impression que le temps n’en finit pas) et spatiale (le sentiment d’étouffement, d’être à l’étroit qui donne envie de bouger). L’acédie et la paresse ont bien des similitudes. Cependant, la grande différence est que l’acédie provoque une forme d’ennui et de dégoût pour le divin.
Il est très intéressant de faire un parallèle entre l’acédie qui correspond à une perte de croyance dans son système de valeurs, c’est-à-dire de foi en Dieu, et la perte de foi dans notre propre système de valeurs, notamment dans le travail dont nous pourrions être « dégoûtés » et qui pourrait nous plonger dans un état proche de l’acédie : manque d’intérêt, dégoût, ennui, désespoir …
Ces derniers temps, nous avons vécu des périodes d’isolement qui nous ont privés de relations humaines. Certains ont pu côtoyer ce dégoût et cet ennui sans pouvoir mettre de mot dessus et sans trouver de remède. L’accroissement du télétravail, dans beaucoup de secteurs, est d’ailleurs plus ou moins bien vécu, et poussé à son extrême, peut entraîner une détresse.
Evagre le Pontique, père du désert, nous donne quelques astuces pour ne pas tomber dans l’acédie :
- Pleurer : c’est le moyen de reconnaître que nous avons besoin d’aide
- Soigner son hygiène de vie : trouver un équilibre de vie entre le travail, les amis, la famille et la prière, sans tomber dans des excès
- Lire la parole de Dieu : dans le combat, lire la parole de Dieu est d’une grande efficacité car elle est vivante
- Remettre sa vie en perspective et penser à la mort : permet de relativiser le présent et les difficultés
- Tenir coûte que coûte : les Pères du désert disent qu’il s’agit du plus important remède, une fois que nous avons tenu bon, une joie profonde va venir s’installer.
Edwige Billot, auteur de « Et si les saints nous coachaient sur nos émotions ? » paru aux éditions Téqui en janvier 2021.