La question de la religion au travail n’est pas une question marginale… Selon une étude menée par Randstad France, 43 % des DRH français ont déjà fait face à des problèmes ou des conflits mettant en jeu des questions reliées à des faits religieux~: adaptation du temps de travail et de vacances avec les pratiques religieuses, port de symboles religieux sur les lieux de travail.


Pour en débattre, le Tiger forum organisé par Toulouse School of Economics (TSE) a réuni plusieurs spécialistes lors d’une table ronde animée par Sophie Gerardhi, fondatrice du site www.fait-religieux.com, le 6 juin dernier. Les sources de ces difficultés tiendraient dans l’incapacité de la France à intégrer les populations de confession musulmane principalement issues de ses anciennes colonies d’Afrique du Nord, et à favoriser un quelconque sentiment d’appartenance à la société française. Selon Xavier d’Arodes de Peyriague (Institut Catholique de Toulouse) et Pierre Tapie (Paxter), la religion apparaît, pour les jeunes générations musulmanes d’aujourd’hui, comme une source d’identité et un marqueur de valeurs, ainsi qu’une manière de combattre l’exclusion sociale.

Dans le même temps, comme le signale Aline Crépin (Randstad France), le lieu de travail en France est traditionnellement organisé autour des rites catholiques. La loi sur la laïcité de 1905, conçue à l’origine pour protéger la liberté de conscience, serait détournée de son objectif initial et mènerait à l’effet inverse : l’inégalité. Elle n’uniformiserait pas les règles du jeu pour les religions non-chrétiennes et aurait plutôt un effet dissuasif sur la capacité des non-chrétiens d’adhérer librement à leurs croyances religieuses. Par ailleurs, la tolérance de la population française aux symboles religieux dans la sphère publique est très limitée, comme Anne Madelin (Sociovision) l’a souligné. Une tolérance excessive aux interventions du religieux dans la vie économique comporterait des risques élevés de tension sociale, a de son côté mis en garde Jean-Philippe Platteau (University of Namur) à l’appui de l’expérience belge.

Sophie Gerardhi a conclu en retenant l’aspect positif de la situation : la distance entre ce que l’opinion publique semble souhaiter et ce que la législation préconise ouvre la voie à un débat fructueux.

Marc Ivaldi, directeur d’études (EHESS)

et membre d’une équipe MCC à Toulouse

et Eunate Mayor, conseiller scientifique en communication (TSE)

Voir le site du Tiger Forum