La proposition de loi récemment adoptée par le Sénat visant à autoriser sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires pose question à différents égards.
L’évolution législative tendait déjà, depuis une vingtaine d’années, à réduire progressivement les protections accordées à l’embryon humain; mais l’interdiction de la recherche demeurait jusqu’ici le principe de référence :
— limitation aux études ne pouvant porter atteinte à l’embryon, admises à titre exceptionnel (loi n° 94-654 du 29 juillet 1994) ;
— dérogation au principe d’interdiction pour certaines recherches sur des embryons conçus in vitro dans le cadre d’une AMP et ne faisant plus l’objet d’un projet parental – sous conditions et pour une période limitée à 5 ans (loi n° 2004-800 du 6 août 2004) ;
— dérogation sous des conditions moins exigeantes et sans limitation de temps (article 41 de la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011, qui prévoit aussi à son article 46, la tenue « d’un débat public sous forme d’états généraux » préalable à « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques (…) soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie (…) » ).
La proposition adoptée par le Sénat dans la nuit du 4 au 5 décembre 2012 pourrait introduire un bouleversement éthique majeur en inversant le principe, l’interdiction disparaissant et l’autorisation se substituant à la dérogation. Son examen a finalement été reporté par l’Assemblée nationale en séance publique, le 28 mars dernier.
Au-delà des questions éthiques qu’elle soulève, cette proposition semble inappropriée au regard de l’actualité de la recherche elle-même. Le prix Nobel 2012 a été attribué à J.B. Gurdon et S. Yamanaka pour leurs travaux en matière de reprogrammation cellulaire : il est possible depuis 2007 de reprogrammer des cellules humaines adultes vers l’indifférenciation (« cellules souches pluripotentes induites » capables de reproduire dans leur descendance tous les types cellulaires d’un organisme adulte). Ces travaux laissent espérer de futures thérapies cellulaires exemptes de toute interrogation éthique, puisque sans recours aux cellules souches embryonnaires, et permettant en outre de résoudre les problèmes de rejet immunitaire.
Chantal Méraud