Dominique Lucas
Direction de la stratégie et du plan environnement du Groupe Renault
Dominique Lucas
Direction de la stratégie et du plan environnement du Groupe Renault
analyse
Réflexion sur la responsabilité des entreprises dans la transition écologique
Au sein de la direction de la stratégie et du plan environnement du Groupe Renault, Dominique Lucas est en charge du reporting environnemental et du dialogue avec les parties prenantes. Elle partage ses réflexions sur la façon dont un grand groupe industriel relève les problématiques, parfois les paradoxes, au cœur de la transition écologique.
Quand on est à l’origine d’un problème, on est aussi responsable de la solution !
Afin de contenir le réchauffement climatique à moins de 2 degrés d’ici 2100, l’industrie automobile doit prendre sa part. Celle-ci a été fixée par les experts du climat : elle doit produire des voitures qui consommeront en moyenne 1,5 litres pour 100 kilomètres, soit réduire drastiquement, c’est-à-dire de 84 %, les émissions de CO2 du parc automobile neuf mondial d’ici 2050. Ce n’est pas une simple optimisation, c’est un véritable changement de paradigme.
Des impératifs écologiques et sociaux…
L’industrie automobile devra aussi réduire son impact sur les matières premières. Si le rythme actuel de production est maintenu, les réserves de cuivre seront épuisées dans 37 ans, notamment parce que les voitures électriques, symbole de la solution au réchauffement climatique, consomment 4 fois plus de cuivre que les voitures thermiques. Autre exigence au titre de la transition écologique, l’absolue nécessité de contrôler les impacts sociaux et environnementaux s’impose désormais sur toute la chaîne fournisseurs, depuis la mine jusqu’à l’étape de transformation et la de fin de vie.
Au sein du Groupe Renault, nous observons une diversification des métiers, vers des emplois digitaux aux interfaces entre la ville, l’énergie et la mobilité. Nos services de ressources humaines forment et transforment des personnes dont les métiers ont besoin d’évoluer. La transition est globalement génératrice d’emploi, nous sommes dans une dynamique positive. Ce développement est une richesse et c’est l’avenir.
…accélérateurs de changements technologiques
Lorsqu’on est responsable d’un problème, on l’est aussi de la solution ! Le développement de la voiture électrique est la première réponse technologique à la problématique du climat. Aux débuts de la Zoe en 2010, peu imaginaient que c’était l’avenir. Nous avons été pionnier et leader dans le domaine de l’électrification. Au rang des solutions technologiques, l’économie circulaire favorise la réduction de la consommation de matières premières. Les déchets deviennent des ressources : Renault recycle et reconditionne les pièces de valeur ainsi que de nombreuses matières comme le textile ou le polypropylène des plastiques automobiles.
Enjeu majeur de la transition technologique, les batteries sont aux frontières de l’automobile et de l’énergie. Leur recharge « intelligente » et leur utilisation pour du stockage stationnaire permet de soutenir l’énergie renouvelable qui est variable : nous contribuons à lisser les pics et à verdir l’énergie. Les services connectés, enfin, sont une réponse à la transition technologique. Nous avons déjà développé le plus gros réseau de voitures électriques partagées : elles sont en usage le plus souvent possible et servent à un plus grand nombre d’automobilistes. Issus de l’économie du partage, ces nouveaux services s’adressent principalement à la jeune génération, celle qui n’a pas son permis, qui est urbaine et adepte des usages mutualisés.
« Nul n’a raison tout seul : nous avons tous besoin les uns des autres »
Ces transitions écologiques, sociales et technologiques nous conduisent également à changer d’organisation et d’échelle, à travailler en interaction avec de nombreux partenaires. Avec les villes, les territoires, les énergéticiens, les ONG, nous examinons ensemble la façon de faire progresser la mobilité durable, dépolluer, décongestionner en mettant moins de voitures en circulation, en développant l’autopartage, et en soutenant le développement électrique. Nous proposons des solutions alternatives. Nous avons tous besoin les uns des autres car nul n’a raison tout seul et par ailleurs, il faut pouvoir partager les coûts et les recettes. A fortiori lorsque les solutions supposent de lourds investissements technologiques.
Propos recueillis par Marie-Hélène Massuelle et Bertrand Hériard lors du colloque du Ceras « Quel travail pour une transition écologique solidaire ? » de mai 2019