À Flins, j’ai vu la voiture de demain
Dans les allées de l’usine Renault de Flins-sur-Seine, par un 14 mars printanier, les aumôniers et accompagnateurs spirituels du MCC découvrent une chaîne de fabrication emblématique : celle de la petite dernière de la marque au Losange et première voiture électrique de masse en Europe, la Zoé, pour Zéro (0) Émission. Visite guidée au cœur de la mobilité durable.
Avec ses gigantesques hangars couverts de plus de 67 hectares, l’ensemble a tout d’une cathédrale industrielle. Sécurité oblige, c’est munis de casques, lunettes, chaussures spéciales et gilets orange de protection, que la trentaine d’équipiers rejoint de bon matin ce vaste site inauguré en 1952. Trois « citadines » y sont fabriquées sur une seule et même ligne : la Clio, la Micra en partenariat avec Nissan, et la Zoé. La performance n’est pas mince : « Les deux premières sont thermiques, la Micra a une histoire industrielle qui est japonaise et les trois ont peu de pièces en commun », souligne Jean-Luc Mabire, directeur du site. Au rythme de 45 véhicules par heure en moyenne, soit une voiture toutes les 1 mn et 20 secondes, Flins ne compte plus que 4 400 salariés, dont 2 000 intérimaires, contre près de 22 000 dans les années 70 : la robotisation n’a cessé depuis de se perfectionner.
Premier arrêt du groupe, studieux et prêt à jongler avec les termes techniques, au département « Emboutissage » : c’est là que d’imposantes bobines d’acier sont mises en forme à l’aide de presses et transformées en pièces de carrosserie. Ces presses sont aussi utilisées « pour d’autres blasons, Mercedès, Opel ou Fiat », détaille l’un des responsables de la communication du site Rodolphe Etchegoinberry. Dans cet atelier, le vacarme est assourdissant et dépasse les 90 décibels. Peu de postes, cependant, sont exposés à des conditions de travail pénibles : neuf en tout, sur l’ensemble des installations, la robotisation ayant supprimé la plupart des tâches répétitives et dangereuses. Les risques principaux sont les coupures : « Il n’y a plus de charges lourdes et la qualité du travail fait l’objet d’un dialogue social constant permettant de résoudre 90 % des problèmes soulevés par les salariés » précise Marie-Laure Greffier, DRH du site.
Au détour de l’étape suivante, on aperçoit la centrale électrique au gaz qui alimente le site en énergie et, à moins de 100 m, la Seine. Renault utilise peu le fleuve, en-dehors du pompage et du rejet d’eau via une station d’épuration lors du cycle industriel, mais prévoit néanmoins d’expédier, à terme, ses marchandises par transport fluvial. Nous voici au département « Tôlerie », automatisé à 99 %, où les tôles sont assemblées entre elles pour former la « caisse » des véhicules, au moyen d’impressionnants bras articulés de plusieurs mètres de haut. Bruits de visseuses, de soudure, de pièces clipsées, bips de robots (japonais souvent, allemands parfois), pluies d’étincelles : le spectacle est tant visuel que sonore. Effet « Danse avec les robots » garanti ! De petits chariots automatiques acheminent les pièces d’un « îlot » à l’autre. La présence humaine est quasi inexistante : tout au plus remarque-t-on quelques roboticiens veillant à la maintenance des machines, et des ouvriers en gants blancs contrôlant la qualité des soudures au toucher, dans un ballet de gestes cadencés, chorégraphiés, presque gracieux !
Entre plancher, côté de caisse, traverses et toit, les futures voitures commencent à prendre forme à l’issue de cette étape, qui est suivie par celle de la « Peinture » comprenant elle-même un bain anticorrosion, la cataphorèse. En fin de fabrication, le département « Montage ». Celui-ci exige beaucoup de main-d’œuvre car de nombreuses opérations restent manuelles : sont incorporés, selon un « processus IKEA » qui consiste à convoyer des kits de pièces vers la ligne de montage, le poste de conduite, la miroiterie, l’habillage intérieur, le moteur à explosion ou électrique et bien sûr, s’agissant de la Zoé, le module batterie, made in Corée by LG. « L’accostage » entre la caisse et la batterie est particulièrement symbolique : « 930 mariages se déroulent tous les jours », plaisante Rodolphe Etchegoinberry. Avec une autonomie réelle de 300 km, une des meilleures du marché, la Zoé a de beaux jours devant elle et ne semble craindre que « la surchauffe de ses capacités de production », selon Jean-Luc Mabire. Elle connaît en effet une croissance à deux chiffres tous les ans et son carnet de commande est « ultra bien rempli » !, poursuit le directeur du site.
Longtemps champion du diesel, dans un contexte de forte demande domestique liée à l’avantage fiscal du gazole, le constructeur s’est aujourd’hui mué en précurseur de la voiture électrique, en innovant et en anticipant une prise de conscience sociétale des enjeux écologiques et des politiques publiques qui l’encouragent. À Flins, les aumôniers et accompagnateurs spirituels du Mouvement ont pu observer la façon dont la transition numérique peut répondre à l’enjeu écologique dans une usine largement robotisée, au prix d’une transformation profonde des métiers et d’une réduction importante des emplois.
Marie-Hélène Massuelle