Remi de Maindreville sj .

A été rédacteur en chef de la revue Christus et aumônier national du MCC de 2001 à 2007

Remi de Maindreville sj .

A été rédacteur en chef de la revue Christus et aumônier national du MCC de 2001 à 2007

regard spirituel

De 1906 à aujourd’hui, le MCC se nourrit de l’esprit synodal

Si l’actualité socio-économique pose sans cesse de nouvelles questions à la conscience chrétienne, renouvelant ainsi les sujets de préoccupation pour le MCC, le charisme synodal du mouvement offre une constante qui se déploie tout au long de son histoire. Il doit l’inciter à prendre sa part dans le synode universel, encourage Remi de Maindreville, ancien aumônier national.

Étonnante d’actualité, la démarche qu’entreprennent à la fin du 19e siècle quelques jeunes ingénieurs auprès de leur ancien aumônier de l’école Sainte-Geneviève à Versailles, le P. Pupey-Girard. Durant leur formation, il les avait initiés à un regard évangélique capable d’embrasser et d’interroger les situations sociales dramatiques qui accompagnaient le développement industriel dont ils devenaient les acteurs indispensables. Mais une fois au travail, au sein d’une action productive dont ils ne maîtrisent que partiellement quelques éléments techniques, comment trouver sa juste place, en regard de rapports sociaux marqués par l’injustice et la violence des relations ? Que peut-on faire ? Comment vivre et mettre en œuvre la justice sociale que prône l’Église ? Ils espèrent alors trouver un peu de lumière auprès de la seule personne qu’ils connaissent et pensent capable de les aider.

Ce qui était en train de naître dans cette démarche de foi dynamisée par l’Esprit Saint chez ces jeunes ingénieurs allait fonder l’Union sociale des ingénieurs catholiques (Usic) en 1906. À leur suite et avec quelques autres mouvements professionnels et d’Action catholique, l’Usic, le Mouvement des ingénieurs et chefs d’industrie de l’Action catholique (Miciac) puis le MCC en 1965, contribueront à incarner, dans le monde industriel en plein développement, un souci quotidien de la dignité des personnes et de la justice sociale sans lesquelles il n’est pas de bien commun authentique. Au moment où l’Église s’engage tout entière dans un chemin synodal, la mémoire des origines du MCC vient spontanément.

Des hommes et des femmes au cœur inquiet

En effet, s’il y a un charisme du MCC, c’est bien d’abord dans cette démarche initiale qu’il se trouve, et qui se propose à chacun aujourd’hui encore. Elle ne procède pas d’une autorité hiérarchique, d’une autorité morale, ni d’un envoi en mission. Elle vient de la foi, certes, mais d’une foi éprouvée, chahutée, éveillée par l’expérience des responsabilités dans le travail, dans la vie en entreprise ou dans les administrations. Quelque chose comme une inquiétude de fond nourrit un désir de parler, de partager, de confronter pour mieux (se) comprendre et se situer dans une plus grande vérité, une plus grande paix aussi, dans un contexte relationnel incertain et très sollicité par les résultats.

Aujourd’hui, ce n’est peut-être plus la question sociale qui nous indigne ou nous émeut le plus, encore que. C’est sans doute davantage la question écologique, la question migratoire qui lui est liée, les questions sociétales avec les affaires de harcèlement, de perversion, et toutes sortes d’attitudes qui mettent à l’épreuve la qualité de la vie relationnelle et l’exercice des responsabilités. Mais marcher avec des gens très divers dans leurs valeurs et leurs comportements conduit à ce même désir initial de trouver en Église un accompagnement juste et sérieux, joint à la recherche d’un éclairage évangélique nourrissant et accueillant.

Ensemble, la recherche de chemins viables

Une deuxième dimension de la synodalité intervient alors : l’inclusion de tous, la fraternité qui se forge dans l’écoute de tous et la recherche ensemble de chemins viables tissent des liens féconds et salutaires. C’est le lien qui unit en équipe et en mouvement. « Personne ne se sauve tout seul » dit le pape. Cela se vit à deux niveaux dans la tradition du MCC : au niveau du mouvement lui-même et, au plus immédiat, dans les équipes. Là peut se développer une grande et très réelle fraternité grâce à la confiance qui naît de l’écoute et du partage des joies et des épreuves de la vie. Les congrès, les thématiques, les journées nationales ou régionales, dans leur mise en place comme dans la réflexion qui les anime sont des chemins très concrets de fraternité et d’intégration plus forte. Mais ce sont aussi les relations entre mouvements et au niveau international, qui ont peu à peu construit et développé une solidarité, une fraternité concrète, où « l’écoute de la clameur des pauvres et de la clameur de la terre » (cf. Laudato si’, 49) donne du fruit.

Ainsi la proximité avec les Semaines sociales de France (SSF) où s’enrichit et s’actualise la « Doctrine sociale de l’Église », la création de l’Union chrétienne internationale des chefs d’entreprise (Uniapac) qui rassemble les mouvements chrétiens de responsables économiques. Mais les liens les plus denses sont sans doute avec les mouvements professionnels et d’Action catholique les plus proches, comme les EDC, l’ACI, l’ACO. L’un des moments les plus féconds fut la création du CCFD par une quinzaine de mouvements en 1961. Sans oublier le lien au MCC de Madagascar, les équipes qui se sont créées ou vivent encore à Bangalore, à Shanghai, à Londres… Entre les années 70 et 90, on pourrait presque parler d’une « mise en mouvement » du monde du travail par ces différents acteurs n’ayant pas peu contribué à la Doctrine sociale de l’Église et à de nombreuses avancées sociales spécialement en Europe.

Un discernement partagé en équipe

Une troisième dimension de la synodalité est la finalité même du MCC, le discernement commun, en équipe et aux différents niveaux du mouvement. Il a été formalisé à l’aube du 21e siècle dans un précieux petit livre « Chemin d’Emmaüs, vivre en équipe et accompagner au MCC ». « Voir en conversant, discerner avec le Christ, agir d’un cœur transformé » construisent trois étapes du discernement des esprits. Son but est de repérer les forces qui nous habitent intérieurement : celles qui nous tournent vers le Christ que nous voulons suivre jusque dans les situations les plus conflictuelles, douloureuses et cruciales ; celles qui nous aveuglent ou nous submergent au point de nous décourager ou de nous attacher à des futilités et des apparences. L’aide mutuelle à relire les situations et le partage de la prière, comme dans l’épisode des disciples d’Emmaüs, sont indispensables pour reconnaître le Christ, entendre sa parole, sentir sa présence et le rejoindre librement au cœur des situations les plus décisives. Mettre l’homme au centre des décisions responsables passe par là.

Ils racontaient ce qui s’était passé sur la route, et comment ils l’avaient reconnu quand il avait rompu le pain (Lc 24, 35).

En partageant leurs questions avec leur aumônier, en se liant d’amitié au sein d’une union « de prière et d’apostolat », ces premiers ingénieurs créaient en 1892 l’embryon de l’Usic. Ils empruntaient un chemin synodal où laïcs et prêtres allaient partager, chacun dans son rôle, un même discernement qui contribuait à humaniser des situations dégradantes et à rendre l’Évangile discrètement mais socialement présent dans des relations parfois violentes. J’évoque cela pour que, riches de cette expérience commune, nous empruntions ce chemin proposé à toute l’Église de façon déterminée, et que nous encouragions ceux qui doutent de son efficience et des fruits qu’il pourrait apporter à tous pour une plus grande gloire de Dieu.

 

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