C. J. Siré
C. J. Siré
reportage
Des entreprises françaises relèvent le défi
Le vieil adage qui affirme que la France n’a pas de pétrole mais a des idées, est plus que jamais vérifié si l’on fait un petit tour d’horizon d’entreprises françaises qui, dans nos régions, cherchent à mettre en place des solutions plus propres, moins carbonées et plus innovantes. De nouveaux modèles d’économie circulaire, dans les secteurs clés de la transition et pour lesquels l’innovation technique rencontre l’innovation organisationnelle. En voici quelques exemples, dans l’esprit de Laudato Si’… des pépites qui prennent du poids et de la crédibilité dans notre paysage industriel.
Deux expériences de nutrition par les insectes ont été lancées par Innovafeed et Ynsect. La prime va à la première qui s’est lancée dans l’élevage intensif de mouches noires, d’origine tropicale, pour apporter une réponse à l’excès de la pêche intensive qui détruit nos ressources marines. L’originalité du modèle tient dans l’installation d’une usine à Nesles au nord-est de Paris, qui récupère les déchets organiques d’un industriel spécialisé dans l’amidon pour nourrir les mouches. La proximité immédiate des deux usines a plusieurs avantages : flux continu de résidus, récupération de la chaleur et de l’électricité cogénérée sur place, pour chauffer les volières et activer un process industriel de ponte (20 000 œufs par seconde, élevage plus productif et fréquent que les gros vers d’Ynsect), de tri et de séchage de la matière. Et pas de transport, puisque tous les flux transitent par des gros tuyaux.
Les produits permettent de nourrir les crevettes et les saumons, mais aussi les poules, apportant plus de protéines que les fritures marines, dans un souci d’économie d’énergie et de protection de la nature. Et rien n’est perdu, puisque le process fabrique également des engrais avec les déchets. Le concept marche au point que le groupe se développe à l’international avec la construction d’une usine aux États-Unis, à Decatur (Illinois).
Autre histoire, autre succès, Carbios a développé du côté de Clermont-Ferrand une usine pilote qui permet de recycler les plastiques et les textiles les plus exotiques grâce à un cocktail d’enzymes breveté. Le résultat : les plastiques destinés à être jetés, deviennent recyclables à l’infini, puisque les enzymes cassent les molécules complexes et produisent le polyéthylène téréphtalate (PET) d’origine que l’on peut remettre dans le process de fabrication, comme s’il était directement issu des usines pétrochimiques. À la différence des plastiques broyés, difficilement recyclables à l’infini, Carbios se distingue par la pureté du PET et sa capacité de traiter des produits qui remplissent nos décharges (barquettes, tissus en polyester, etc.). Et là aussi, le concept prend, puisqu’un gros industriel vient cofinancer la nouvelle usine lancée dans le Grand Est à Longlaville.
À Saint-Avold, Afyren peaufine son usine pilote, qui consomme également des déchets de l’industrie sucrière par des “communautés microbiennes” issues d’une sélection fine et naturelle. Dans des énormes cuves privées d’oxygène, ces petites merveilles fermentent et produisent des acides organiques qu’il suffit de distiller pour alimenter notamment la cosmétique et d’autres débouchés avides de ces produits bio… Même si l’usine rencontre encore quelques difficultés, le groupe espère passer en flux continu d’ici quelques semaines et projette déjà de s’installer en Asie pour “manger de la canne à sucre”. Le process est déjà bien rodé et, magie, les bactéries produisent aussi plus d’eau qu’elles n’en consomment et leur activité génère de la chaleur.
Descendons maintenant dans le centre de la France où Intact Regenerative lance son usine récupérant les pois protéagineux et la féverole, connue pour regénérer nos sols agricoles sans engrais, pour apporter des substituts aux protéines de soja, très avides en eau, et apporter des substituts naturels à la viande, qui génère les pires émissions de méthane. Double avantage: un produit à faible carbone et un apport d’azote aux terres agricoles, si l’on plante les pois tous les cinq ans. En attendant, d’autres projets voient le jour. À Toulouse, Aura Aero rêve de révolutionner le transport aérien avec des avions électriques. Ses premiers modèles en bois/carbone commencent à voler avant qu’un avion hybride de 19 places révolutionne l’espace aérien et arrête de polluer nos cieux immaculés. Louez Dieu !