Mercure de France, 2023

208 pages

lu

Frère unique

Olivier Frébourg

Frère unique est le cri de douleur d’un homme écorché vif par la mort brutale et inattendue de son frère ainé et unique, un « être exceptionnel » avec lequel il entretenait une relation quasi fusionnelle (« j’ai eu l’impression qu’il se fondait en moi, que nous étions deux dans le même corps »). Mais pas seulement.

Au début du livre, l’auteur revient longuement sur leur enfance heureuse (et idéalisée ?) dans des îles paradisiaques (les Antilles), leur père étant capitaine au long cours dans la marine. Puis, en Normandie où cette famille très unie retrouve ses racines et jette ses amarres.

L’aîné est décrit comme ayant toutes les qualités, d’intelligence, de caractère et de cœur. Il est devenu médecin, professeur au CHU de Rouen, chercheur en génétique avec une aura internationale. C’est à la suite de soins dans son propre hôpital qu’il décède de complications de l’ablation d’un cathéter. Le cadet ne comprend pas pourquoi médecins et administratifs de l’hôpital ont eu tant de difficultés à reconnaître clairement que le décès était secondaire à une mauvaise exécution de ce geste certes technique mais banal, une « faute scandaleuse ». De plus, ces professionnels n’ont pas eu les mots forts de compassion qu’il attendait.

De cet accident de soins, certes rare mais pas unique, l’auteur tire des conclusions sur la faillite de l’hôpital public, « une usine déshumanisée ».

Le chagrin est décrit comme « infini, océanique », source de colère et d’un fort désir de vengeance. « Mon frère a été victime de ce naufrage de l’hôpital, …livré à des incompétents… je me suis juré de venger mon frère, de ne jamais renoncer ».

C’est enfin l’occasion pour cet écrivain érudit de distiller une réflexion sur la mort et la perte d’êtres chers, sur ce qu’en ont dit les auteurs antiques ou plus récents, d’Ovide à Victor Hugo en passant par la Bible, et comment certains peintres l’ont représentée, comme Poussin…

Si on peut tout à fait entendre la douleur de l’auteur, faut-il pour autant le suivre dans son désir de vengeance et son verdict sur les médecins ? Quelle audace il leur faut pour soigner et quelle humilité leur est nécessaire pour reconnaître leurs erreurs et continuer à soigner après ce type d’accident !

Albert Vérier, membre du MCC

 

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