Aborder sa reconversion professionnelle avec le texte de Gédéon

Pour aborder le thème de la reconversion professionnelle, Pierre Flament, accompagnateur spirituel, nous invite à méditer le passage de la Bible sur Gédéon au Livre des Juges (1 Juges 6, 11-17). Comme Gédéon, prenons le temps de nous laisser transformer en profondeur par la parole de Dieu.

Point de départ : le texte de Gédéon

Le contexte est celui de l’établissement précaire d’Israël en Canaan après l’exode, entre conflits avec les habitants du pays et pillages par des tribus nomades. Et tout à coup, le premier verset nous introduit dans une petite histoire particulière, comme une scène champêtre. Le Seigneur rejoint Gédéon là où il vit, en train de faire de son mieux… En réalité, Gédéon survit : il n’a plus d’estime de soi, Dieu n’est plus là.

Le Seigneur me rejoint là où j’en suis, en train de faire de mon mieux dans un monde qui ne va pas bien et où je peux me sentir insignifiant, impuissant. Le Seigneur viendrait-il s’assoir près de moi ? Aurais-je du prix à ses yeux ? M’aimerait-il ? (Voir Isaïe 43, 4)

La parole du Seigneur bouscule Gédéon

Voyez la réaction de Gédéon, par deux fois « Pardon, mon Seigneur ! ». Non, mais Seigneur, sauf le respect que je te dois, est-ce que tu ne serais pas en train de te payer ma tête ?

C’est que Gédéon n’est pas simplement appelé à « faire de son mieux ». Il est appelé à un « encore mieux », un « davantage » qui dépasse sa compréhension et le faible espoir qu’il s’autorise dans sa détresse.

Qu’est-ce que cela veut dire ? Que Dieu me demanderait d’abandonner ce qui fait ma vie pour aller chercher sa volonté ailleurs ? Que j’aurais à chercher, je ne sais comment, sa volonté sur moi puis à appliquer son plan ?

Mais non. Si je suis aimé de Dieu, c’est qu’il ne me considère pas comme une marionnette. « Alors le Seigneur regarda Gédéon ». Le Seigneur me regarde. Il respecte ma liberté et m’accompagne à tous les instants de ma vie, particulièrement quand je prends des risques. Même et surtout quand je m’éloigne de lui. Les pèlerins d’Emmaüs (Luc 24, 13-33) s’éloignent de leur véritable destination, au sens propre (Jérusalem) et au sens spirituel (le découragement n’est pas un chemin vers Dieu). Alors Jésus fait route avec eux « dans le mauvais sens » … et ça dure… Il prend le temps d’éveiller leur cœur, sans leur donner d’ordre.

Michel Rondet écrit : « Ce que Dieu attend de toi, ce n’est pas que tu choisisses telle ou telle voie qu’il aurait prévue de toute éternité pour toi, c’est que tu inventes aujourd’hui ta réponse à sa présence et à son appel ! » (« Dieu a-t-il sur chacun une volonté particulière ? », Michel Rondet, Christus n° 274 HS).

C’est exactement ce que le Seigneur dit à Gédéon : « Avec la force qui est en toi, va sauver Israël du pouvoir de Madiane. N’est-ce pas moi qui t’envoie ? » Non pas « avec la force que je te donne » mais bien « avec la force qui est en toi ». L’appel, lui, vient de Dieu : « N’est-ce pas moi qui t’envoie ? ». Puis la promesse « Je serai avec toi ». Gédéon pourra toujours dialoguer avec son Dieu qui lui fait confiance.

« Donne-moi un signe que c’est bien toi qui me parles »

Prier, ce n’est pas seulement parler à Dieu, même s’il est important de lui exprimer ma demande, mon désir profond. Prier, c’est aussi écouter Dieu qui me parle. C’est difficile. Ce qu’il me semble entendre, est-ce vraiment la parole de Dieu ou une illusion ? Gédéon se pose cette question et Dieu va lui répondre avec une patience extraordinaire. De bons indices que la parole vient de Dieu est qu’elle me déplace comme elle a dérouté Gédéon, puis qu’elle me laisse finalement dans la paix et non dans l’inquiétude. Il est important que je prenne le temps de me laisser transformer en profondeur, comme Gédéon qui reprend sans cesse sa conversation avec le Seigneur.

En effet, en cherchant continuellement à vérifier s’il est sur la bonne voie ou s’il fait fausse route, Gédéon m’apprend que le discernement ne s’applique pas seulement aux grandes décisions. Ce n’est pas parce que je suis au clair sur mon orientation que je vais négliger l’exécution et ses détails. Plus tard, Gédéon va faire preuve de détermination tout en étant lucide sur les moyens qu’il peut efficacement mettre en œuvre. Sur les conseils du Seigneur, il va passer de plus de 30 000 hommes à seulement 300 hommes pour affronter et vaincre Madiane : « Ceux qui ont peur et tremblent, qu’ils s’en retournent ! » (Juges, 7, 3). Et le Seigneur va l’aider à gérer sa propre peur : « Mais si tu as peur [va donc espionner ce qui se raconte dans le camp adverse]. Ton courage en sera fortifié. » (Juges, 7, 10). Je peux être rassuré – ou pas – en constatant que Gédéon reste vulnérable malgré la « force qui est en lui », je peux m’y reconnaître. Et me souvenir des paroles de St Paul « lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (2 Corinthiens 12,10). Si je ne suis pas à l’aise avec ce paradoxe, je peux au moins me dire que ma force avec Dieu accueille ma faiblesse.

Remi de Maindreville résume : « Spontanément, nous espérons voir la force de Dieu nous accompagner dans nos entreprises pour les faire triompher, mais, dans le choix des moyens et la conduite des opérations, nous nous fions essentiellement à notre sentiment propre. C’est à la démarche inverse que l’Esprit nous invite, à la suite de Gédéon : nous appuyer sans peur sur notre propre force pour évaluer le succès de nos actions, mais demeurer ouverts au discernement de l’Esprit dans la conduite des opérations afin que la justice et la bonté, le Règne de Dieu, s’y révèlent davantage. » (« Va avec la force qui est en toi ! », Force et faiblesse de Gédéon (Juges 6-7) – Remi de Maindreville, Christus n° 232).