Benoît de Maintenant, sj

Aumônier à Sciences-Po

regard spirituel

L’ambition est-elle un péché ?

Lors d’un café-théo organisé par des membres du MCC Paris Saint-Denis, le père Benoît de Maintenant, jésuite et aumônier à Sciences-Po, a apporté des réponses à cette question que tout un chacun se pose à un moment ou à un autre de sa vie professionnelle.

Surprise : le terme “ambition” n’est pas présent dans les dictionnaires chrétiens. Mais on y trouve la “sainteté”. L’ambition souvent perçue comme opposée à la simplicité, la justesse, l’humilité ou le service, devient la sainteté !
Pour parler simplement, le christianisme est un “idéalisme pragmatique”. Jésus, à la fois Dieu et Homme, révèle la tension entre un horizon idéal (le ciel) et une réalité complexe et mélangée (la terre). Le chrétien navigue donc entre ce qu’il aspire à être de plus haut (la sainteté) et ce qu’il est (limité et pécheur). Dans ce cadre, l’ambition est cette prétention révélée et intériorisée : “Je” peux atteindre une vie parfaite à l’image de Jésus. Quelle grandeur ! Le chrétien croit dans la victoire du saint : celui qui invente une réponse heureuse à l’appel du bien commun.

Le désir juste comme moteur de l’ambition
Le désir, profond et juste, pousse vers la sainteté. Ce désir est presque impossible à définir, mais il se ressent, se vit. Mais tout désir ne vise pas la sainteté comme l’ambition plus terre à terre, associée à la carrière et au succès personnel. Ce n’est jamais facile à repérer dans un monde complexe où les injonctions à assurer des sécurités matérielles ou identitaires, dominent. Il est important de se formuler ces fausses ambitions. Elles sont là, c’est bien normal, si elles prennent le pouvoir, c’est bien dommage. La tâche du chrétien : revenir à son désir profond, à sa quête de sainteté : quelle place je désire prendre pour servir et être heureux ?

Repérer le péché : l’art de bien se situer
Le concept de péché est génial pour piloter sa vie. Admettons pour faire simple, que le péché est une déviation de notre trajectoire vers l’objectif divin. Déterminer le point d’arrivé, c’est (relativement) facile, il suffit de viser haut. Déterminer la trajectoire est un calcul élaboré, mais les capacités d’un GPS embarqué suffisent.
Pour identifier le point de départ, c’est beaucoup plus compliqué : un GPS a besoin de trois satellites pour trianguler un point sur terre, soit une quantité de technologie et d’énergie immense pour prendre du recul.
De la même manière, le chrétien a besoin de références pour identifier sa position spirituelle : une habitude (la messe, la prière, un rendez-vous avec un ami), une norme (aimer son prochain, ne pas mentir), une capacité de jugement (raconter sa journée, évaluer son mois…). Le péché est cet écart repéré. Sans se condamner, il offre la chance de se rapprocher de son désir profond et juste.

Accepter l’erreur
L’erreur et les imperfections sont normales, là est le pragmatisme chrétien. Mais, il y a de fortes exigences à ne pas les laisser passer. D’abord, reconnaître la réalité de cette situation, voir le courage de la nommer : agressivité, tension, incapacité à tout raconter, distraction, fuite devant les sujets chauds… Avec une ambition trop humaine, un tout petit décalage se cache derrière ses émotions : un “servir” qui devient “se servir”. L’avis d’un proche, le bon ami, le ou la conjointe aide à repérer la sortie de route. Ce rôle d’accompagnateur n’est jamais agréable à jouer, mais si important: aimer, écouter et dire à celui qui prend des risques quand il franchit une ligne rouge et ne se ressemble plus. Que l’ambitieux parte toujours avec quelqu’un dans un projet ! Le sacrement de réconciliation et la prière sont des moyens de vivre un recul aimant sur soi, une ouverture à un autre gratuit.
Une fois repérés ces glissements de cap, il convient d’agir et de rectifier le tir. Ce peut être par une réforme d’attitude ou plus drastiquement en changeant de lieu. Cultivons cette liberté de mouvement ! Soyons tendres avec nos sorties de route, ce sont nos meilleures rambardes de sécurité, celles qui nous remettent sur le chemin.

Piloter sa vie dans un monde complexe
Dans le “vrai” monde, nous sommes appelés dans des projets, des métiers ou des domaines qui sollicitent notre ambition (ou notre absence d’ambition). Mais difficile de savoir si accepter tel poste, c’est aller vers la sainteté. L’ambition doit donc être accompagnée d’indices qui confirme sa justesse comme l’audace, la liberté, l’humilité (voir encadré). Mais il y en a beaucoup d’autres.

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