Nathalie Gallier
Equipière MCC
Nathalie Gallier
Equipière MCC
point de vue
Les raboteurs de parquet : “la dignité des personnes à l’œuvre”
Méditer sur une œuvre d'art
Par son thème et son esthétisme, le tableau de Gustave Caillebotte, exposé au Musée d’Orsay, fait écho à des valeurs spirituelles ignatiennes : la solidarité et l’amour du travail bien fait. Cette œuvre anticonformiste pour l’époque a été refusée au Salon de 1875. C’est la présence invisible suggérée qui apporte la dimension spirituelle dans la beauté de l’accomplissement d’un travail harassant.
Dans un appartement bourgeois, trois ouvriers s’affairent à raboter un parquet représenté en perspective renversée, donnant l’illusion au spectateur, invisible, d’être présent. L’action est prise sur le vif, les éléments se rapportant au monde ouvrier sont appuyés par des dégradés de brun : les lattes en bois du parquet, semblables à des sillons de la terre, les corps tendus et les bras déformés par l’effort, les coussins. La bouteille et l’unique verre de vin posés sur la cheminée marque la solidarité des ouvriers. La bouteille est à peine entamée : sont-ils donc les ouvriers de la première heure ?
Ces ouvriers sont humbles mais pas misérables. Ils s’appliquent à la tâche, ils sont une équipe, un avec son rabot, un autre avec un racloir. Leurs regards convergent l’un vers l’autre pour les deux premiers ; le troisième homme en retrait va prendre un outil, une gouge, et se retirer. La trinité serait-elle suggérée ? Ils travaillent un parquet foulé par plusieurs générations. La lumière par la fenêtre illumine leur dos et la sueur.
Toute beauté vit sous la lumière. Dieu n’est pas la lumière à voir mais la lumière qui fait voir. Les visages sont sans ombre comme ceux évoqués au psaume 33. La musculature des ouvriers est belle dans sa trivialité. La beauté n’est pas l’apanage de ceux qui auraient les moyens de la cultiver. Une beauté risque de passer inaperçue quand l’homme est confondu à son travail.